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sont chaque jour l’objet de nouvelles conventions qui effacent les vieux antagonismes. En un mot, le code international de la paix se fait peu à peu et par la force même des choses ; mais, il faut bien l’avouer, si le droit des gens pacifique présente ces brillans côtés et peut être invoqué à plus d’un titre par les amis de l’humanité et les apôtres du progrès, on n’en saurait dire autant du droit de la guerre, ou plutôt du droit de la force. Une simple observation suffit pour démontrer combien le principe théorique qui voudrait atténuer les effets de la guerre est fragile en lui-même et offre peu de garantie. On admet généralement que, lorsqu’une nation en guerre se livre contre son adversaire à des actes plus ou moins répudiés par l’état de nos mœurs et le degré de civilisation où nous sommes parvenus, les représailles employées par l’autre nation constituent un droit incontestable. Voilà donc un droit engendré par un fait, et, comme il est assez difficile de déterminer exactement à quel moment ou dans quelle limite les. actes de guerre d’où sont nées les représailles sont sortis de la catégorie des actes légitimes pour devenir répréhensibles, on peut se trouver tout d’un coup en présence d’une succession de faits atroces qui se légitiment les uns par les autres, bien que les uns et les autres soient en dehors des principes. Ainsi l’esprit sceptique et bienveillant de Montaigne justifiait l’usage de la guerre permettant de punir de mort ceux qui s’obstinent à défendre une place qui, d’après les règles militaires, ne peut plus être défendue. Autrement, dit-il, sous l’espérance de l’impunité, « il n’y aurait poulailler qui n’arrestât une armée. »

il sera toujours difficile de préciser les droits et les devoirs des belligérans, parce que dès le point de départ on tombe de la théorie dans les faits, et que, quoi qu’on prétende, la guerre n’étant qu’un fait et un fait atroce, les conséquences suivent et s’aggravent dans le même sens à mesure que la lutte, en se prolongeant, excite les passions furieuses des deux parties, et entre dans l’inévitable voie des excès, au bout de laquelle le droit de représailles légitime tout. C’est donc bâtir sur le sable, c’est caresser une illusion que de croire qu’on peut tracer à l’avance des règles destinées à dompter ces passions qui sont communes à l’homme et à la brute. Toute guerre qui dure est fatalement destinée à donner au monde le spectacle de tous les abus de la force. D’ailleurs tous les élémens de la nature ne sont qu’un perpétuel combat : l’homme, en se jetant dans cette extrémité de la guerre, que la raison condamne et qualifie de démence, ne ferait-il qu’accomplir cette loi mystérieuse, éternelle, de la création qui tire le bien du mal et fait sortir le mouvement et la vie de la destruction et de la mort ?

Ces réflexions et bien d’autres se pressaient dans notre esprit en parcourant les deux volumes publiés par l’imprimerie nationale et qui comprennent l’ensemble de tous les actes relatifs à la paix avec l’Allemagne. Ce triste et intéressant recueil, qui pourrait s’appeler le livre de nos