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a été conclu par M. Jules Favre, d’après ses entretiens avec M. de Bismarck, et en vertu des pleins pouvoirs, du blanc-seing, qui lui avait été donné par le gouvernement de Paris, et dont on trouve le texte en tête du premier volume du Recueil. Quant au traité de paix du 10 mai 1871, la date explique suffisamment sous l’empire de quelles impressions et en vertu de quelles nécessités il a été souscrit. Alors la commune était maîtresse de Paris ; ce n’était guère le moment de dresser des protocoles et de faire de la diplomatie. Le vainqueur était là, imposant sa dure loi, et il fallait la subir sans qu’il fût même permis de la discuter. On signa en réservant à un arrangement complémentaire le soin de résoudre les points laissés en suspens et particulièrement les questions d’affaires qui ne concernaient pas la politique. Tel a été l’objet de la convention additionnelle de Francfort du 11 décembre 1871, qui, à la différence de ses aînées, a pu être débattue dans des discussions dont il est resté une trace officielle. Les procès-verbaux qui en ont été dressés sous le nom de protocoles, comme on dit en langage diplomatique, sont fort intéressans à consulter, ils le sont surtout sur un des points les plus douloureux de ces tristes négociations, et qui seront un des épisodes les plus marquans de la conquête violente de l’Alsace-Lorraine. L’article 2 du traité de paix avait posé le principe de l’option pour les personnes originaires des territoires cédés, qui voudraient conserver la nationalité française ; cela semblait être un nouvel hommage rendu au principe moderne de la libre volonté des populations pour se choisir un gouvernement, un progrès sur l’ancienne théorie du droit de conquête. On sait en effet, sans qu’il soit besoin de remonter plus haut que les traités de 1815, que les annexions de territoires obtenues à la suite d’une guerre avaient pour résultat de faire passer sous la nouvelle souveraineté tout ce qui se trouve sur ces territoires, hommes et choses. D’après ce principe, tous les individus qui résidaient dans les pays réunis (moins les étrangers, bien entendu), épousaient de jure la nationalité de l’état vainqueur. C’est sur cette base qu’ont été rédigés les traités de 1815, qui, sans examiner l’origine des individus, se sont bornés à décider que les habitans des pays alors détachés de la France et réunis à d’autres états auraient la faculté, pendant un délai de six ans, de réaliser leurs biens et de se retirer. Les traités de Francfort paraissaient avoir été conçus dans un esprit plus libéral. Il ne suffisait pas d’être habitant ou domicilié seulement dans les territoires annexés pour être astreint à l’option, il fallait de plus être originaire de ces territoires, c’est-à-dire y être né, d’après une définition donnée par l’autorité allemande elle-même. Cette solution résultait du texte du traité ; elle était formellement expliquée et confirmée dans les protocoles. Le procès-verbal de la première séance constate en effet que sur la question faite par les plénipotentiaires français, à savoir si les individus domiciliés, mais non originaires des territoires cédés, seraient tenus de faire option, les plénipotentiaires