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politique à cette ville à l’étoile malheureuse, il fit de Dijon, alors jeune et destiné à un constant bonheur, la capitale de ses états. A partir de cette dernière époque, si lointaine encore (première moitié du XIe siècle), Autun ne marque plus quelques pulsations de vie politique que par son évêché, un des plus illustres des Gaules ; ces faibles témoignages de vitalité vont s’affaiblissant eux-mêmes bientôt, et Autun s’efface alors complètement de notre histoire, où pendant deux périodes successives elle avait tenu une place si prépondérante. Il faut voir dans le poème en l’honneur de Philippe-Auguste, qu’écrivit le chroniqueur Guillaume le Breton au commencement du XIIIe siècle, quel tableau lamentable il trace de cette ville, qui, en place de trésors et d’habitans, n’a plus que des bruyères. Depuis lors elle a vécu comme elle a pu avec le blé qu’elle a semé, avec le commerce qu’elle a pu faire, humblement, modestement, comme si elle n’avait pas, été la capitale des Eduens, et, le temps et le travail aidant, elle s’est transformée en une agréable ville. C’est là, comme disait jadis Henri Heine à propos d’un malheur moins grand que celui d’Autun, c’est dans cette métamorphose de condition, c’est dans cette vie perpétuée à travers les siècles, vaille que vaille, que se trouve la pointe tragique de cette destinée, la véritable catastrophe. Le spectacle le plus lamentable de l’histoire, ce n’est pas le sort de Charles Ier ou de Louis XVI, c’est celui du fils de Persée, dernier roi de Macédoine, s’arrangeant de vivre en copiant des écritures dans l’étude d’un procureur romain.

Cette déchéance d’Autun, loin d’être frappante, comme l’ont prétendu fort à tort certains touristes, est au contraire si bien masquée par la modestie décente et bourgeoise de son extérieur actuel, qu’elle n’est visible qu’aux yeux de l’esprit et par le moyen de cette lanterne magique que l’imagination et la mémoire allument de concert dans l’âme de tout visiteur lettré. Matériellement il serait même impossible de s’en apercevoir sans la circonstance très particulière de son emplacement. L’emplacement d’Autun appelle nécessairement une ville superbe, puisque tout s’en découvre à distance : aussi l’œil, en parcourant ces lieux, improvise-t-il spontanément et comme par l’effet d’une exigence de la nature un décor de temples, de théâtres, de portiques, de colonnades. Il appelle une cité populeuse non moins que magnifique, car l’idée de choisir un tel lieu pour y établir une ville de moyenne étendue et de moyenne population ne pourrait jamais venir à personne. Autun n’occupe pas le tiers de l’espace qu’elle devrait logiquement recouvrir ; la vaste plaine qui s’étend à ses pieds frappe comme une absurdité dès le premier regard qu’on jette sur elle. On dirait une ville qui ne commence pas et qui attend encore la moitié de ses quartiers, ou mieux encore une ville amputée jusqu’au buste, qui ne possède plus que