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romaines en matière de gouvernement, et qui, comme s’il eût prévu le prochain établissement de la féodalité et les résultats de l’usurpation héréditaire, fit tout ce qu’il put pour établir que les grandes charges politiques devaient être viagères. Tout ce qui reste de ce christianisme primitif se compose d’une inscription grecque du IIe siècle dans laquelle les théologiens veulent reconnaître déjà nettement formulées les doctrines du symbole de Nicée, et dont les curieux trouveront le texte dans l’Histoire d’Autun du chanoine Edme Thomas, — de quelques tombes gallo-romaines et des débris du tombeau de la reine Brunehaut. Au-dessus de ces derniers fragmens, on a placé une inscription latine écrite au dernier siècle par un évêque de Beauvais, inscription qui est tout un jugement historique des plus pénétrans, où la rivale de Frédégonde est présentée comme une grande reine, pleine de nobles idées de civilisation, victime des passions aveugles de la barbarie franque, incomprise de son époque, dont elle dépassa trop le niveau moral, et mal comprise des siècles plus modernes, qui l’ont calomniée à la légère ou défigurée avec ignorance. En lisant cette inscription, je me suis demandé quel était le jugement vrai en histoire qui n’avait pas été porté avant nous. J’avais toujours cru que c’était à la sagacité de notre siècle, à notre intelligence plus poétique et plus vraie de la barbarie, que revenait l’ingénieux honneur d’avoir pour la première fois établi l’opposition nettement tranchée des deux rôles de Frédégonde et de Brunehaut, l’une représentant la barbarie germanique dans toute sa férocité, l’autre représentant la défense héroïque de la civilisation romaine par une Germaine d’une âme forte et intelligente. Or voilà que ce rôle romain de Brunehaut est très parfaitement mis en relief par cette inscription ; il n’y a donc pas de jugement vrai qui n’ait été depuis longtemps porté, pas d’idée vraie qui n’ait été entrevue, au moins pour ce qui regarde nos modernes civilisations et les sources d’où elles découlent[1].

La cathédrale de Saint-Lazare est un imposant édifice appartenant

  1. Tous les objets que nous venons de signaler dans ce dernier paragraphe se trouvent au musée archéologique d’Autun, dont l’origine remonte à un M. Jovet, qui mourut, il y a quarante ans, en léguant à sa ville natale une précieuse collection d’antiquités assemblées par lui et après avoir lutté assez infructueusement pour propager parmi ses compatriotes l’étude de l’archéologie locale. Je n’ai pu profiter aussi bien que je l’aurais voulu de ce curieux musée pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’une mauvaise étoile a voulu qu’aucun des membres principaux de la Société éduenne ne se trouvât à Autun à mon passage dans cette ville ; la seconde, c’est que ces objets attendent encore un catalogue qui permette de se reconnaître au milieu d’un tel pêle-mêle. Non-seulement ils ne sont pas catalogués, mais ils ne sont pas classés, et un grand nombre de fragmens gisent épars dans l’herbe de la petite cour qui fait suite au musée, et qui par le fait de cette négligence présente l’aspect pittoresque d’un cimetière dont les monumens auraient été mis en pièces.