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ces vessies gonflées d’air qu’on fixe sous les aisselles d’un nageur inexpérimenté ; ces stolons se garnissent de fleurs s’épanouissant au-dessus de la surface de l’eau. Les corps qui soutiennent ces rameaux fleuris sont des racines transformées par l’action de l’eau. En effet, les stolons qui rampent à la surface de la terre sèche sont pourvus de racines adventives ordinaires ; mais, si le stolon se trouve de nouveau en contact avec l’eau, ces racines se transforment en racines aérifères. J’ai pu obtenir ainsi sur un seul jet des parties qui étaient alternativement pourvues ou dépourvues de ces vessies natatoires. La tige même devient quelquefois spongieuse et se remplit d’air. Dans l’eau, les feuilles de la même plante sont lisses, obovales, et acquièrent une longueur de 10 centimètres de long et 2 de large, tandis que, sur un terrain sec ou desséché, elles sont étroites, aiguës, longues de 1 centimètre au plus et couvertes de poils. Ces deux formes d’une même plante ont été considérées comme deux espèces distinctes[1]. Ainsi l’eau imprime à l’organisme végétal des modifications profondes qui se traduisent non-seulement dans les formes extérieures, mais dans la structure anatomique. M. Duval-Jouve a démontré qu’une plante aquatique, quelle que soit la famille à laquelle elle appartienne, présente des cellules cloisonnées aérifères. Dans un même genre, le genre iris par exemple, les iris germanica, iris florentina, plantes terrestres, ne présentent pas de cellules cloisonnées, les iris fœtida, iris pseudaçorus, espèces aquatiques, en sont pourvues. Dans le genre eryngium, mêmes différences : les espèces européennes sont terrestres, les feuilles ont des nervures divergentes ; les espèces aquatiques de l’Amérique portent de longues feuilles rubanaires à nervures parallèles, réunies entre elles par des cloisons transversales.

L’influence de l’eau sur la forme et l’organisation des animaux n’est pas moins remarquable, et le développement des réservoirs d’air chez les végétaux aquatiques est analogue aux cloisons traversées par le siphon des coquilles univalves du nautile et des ammonites, les vésicules aérifères des acalèphes hydrostatiques, les boucliers avec canaux aérifères des vellèles, les bulles d’air emprisonnées daris le mucus sécrété par le pied de la janthine et même la vessie natatoire des poissons, organes inconnus dans les animaux terrestres ; mais c’est dans les batraciens que nous verrons avec la dernière évidence que les branchies, appareils respiratoires des animaux aquatiques, se développent sous l’influence d’un milieu liquide. Chez certains d’entre eux, les branchies sont temporaires : ainsi les têtards de la grenouille et du crapaud

  1. Voyez Ch. Martins, Mémoire sur les racines aérifères ou vessies natatoires des espèces aquatiques du genre Jussiœa (Mém. de l’Acad. de Montpellier, L. VI, p. 353, 1866).