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mûr on ne trouve le plus souvent qu’une graine fort grosse, quelquefois deux, dont l’une très petite ; fort rarement trois, une grosse et deux petites : il y a donc constamment cinq, quatre ou trois graines qui avortent. Dans quelques familles de végétaux, les cactées, les orobanches, le genre lathrœa et une espèce de gesse, le lathyrus aphaca, les feuilles manquent complètement. Sur les acacia de la Nouvelle-Hollande, ce sont les folioles des feuilles composées qui avortent ; le pétiole reste seul, se dilate et prend le nom de phyllode. Les causes de ces avortemens ne sont pas toujours évidentes. Quelquefois on constate des effets de compression. Toute jeune branche de lilas est terminée par trois bourgeons, mais toujours les deux bourgeons latéraux se développent, celui du milieu resserré entre les deux autres ne s’accroît pas, et la branche se bifurque au lieu de se trifurquer. A part les avortemens dus à la compression, au développement exagéré des organes voisins ou à une nutrition insuffisante du végétal, la cause prochaine des autres nous échappe, et tient probablement à des circonstances héréditaires de végétation : ainsi les acacia à phyllodes de l’Australie ont des feuilles composées dans leur jeunesse, et l’acacia heterophylla en conserve toute sa vie un certain nombre, tandis que dans les autres espèces les folioles avortent toutes, et la feuille se réduit à un pétiole élargi, simulant les feuilles simples de nos saules indigènes.

Chez les animaux, la cause des avortemens est bien plus évidente : c’est, comme Lamarck l’avait parfaitement compris, le manque d’exercice d’un organe par suite d’un changement dans le milieu ambiant ou dans les habitudes de l’animal. Rien de plus instructif à cet égard que l’influence de la lumière sur l’organe de la vue. Un animal plongé constamment dans l’obscurité se dirige non plus au moyen de ses yeux, mais à l’aide du tact ; alors les yeux diminuent de volume, s’enfoncent dans l’orbite, sont recouverts par la peau, finissent par s’atrophier et même par disparaître. Ces dispositions se transmettent héréditairement des parens à leur progéniture, et l’on voit des espèces, munies de leurs yeux quand elles vivent à la lumière, devenir aveugles quand elles se tiennent habituellement dans l’obscurité. Ainsi dans la taupe ordinaire, animal souterrain, l’œil étant recouvert par la peau percée d’un tout petit canal oblique, la vision doit être très imparfaite. Deux espèces de spalax qui habitent la Russie méridionale, le chrysochlore du Cap et le ctenomys de l’Amérique du Sud, dont la vie est souterraine comme celle de la taupe, présentent la même organisation. On connaît des reptiles aveugles : tels sont les lézards apodes, tels que les orvets, et parmi les serpens l’acontias cœcus et les typhlops, qui vivent sous terre comme nos lombrics. Parmi les batraciens, nous