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sanglier ; c’est l’appendice vermiforme. Inutile à la digestion, puisque les alimens n’y pénètrent pas, il devient un danger, si par hasard un corps dur tel qu’un pépin de fruit ou un fragment d’arête de poisson vient à s’y introduire ; le cas arrive, et il en résulte d’abord une inflammation, puis la perforation du canal intestinal, accidens suivis d’une péritonite souvent mortelle. D’autres fois cet appendice, contournant une anse intestinale qu’elle enserre, produit un étranglement interne presque toujours fatal. La science a déjà enregistré dix-huit cas de ce genre, vérifiés par l’autopsie.

Dans tous les quadrupèdes, la moelle épinière, organe central du système nerveux, est enfermée jusqu’à son extrémité dans un canal osseux formé par la colonne vertébrale. Chez l’homme, dont la station est verticale, le poids des organes renfermés dans le ventre portant sur les vertèbres qui composent l’extrémité inférieure de l’os appelé sacrum, ces vertèbres se sont élargies, et ne sont plus soudées dans leur partie postérieure. Il en résulte que l’extrémité de la moelle épinière n’est pas renfermée dans un canal osseux complet : elle est seulement protégée en arrière par une membrane fibreuse et par la peau. Or dans les maladies prolongées, telles que les fièvres typhoïdes, où le malade reste longtemps couché sur le dos, cette peau s’enflamme, s’excorie, s’ulcère, et l’inflammation, se propageant aux enveloppes de la moelle, détermine des méningites rachidiennes presque toujours mortelles[1]. La fissure du sacrum est donc une disposition anatomique particulière à l’homme qui compromet la vie d’un grand nombre de malades.

Ces exemples pour ainsi dire personnels doivent suffire pour montrer le rôle et la signification des organes atrophiés. Chez l’homme et chez les mammifères supérieurs, ces rudimens sont une réminiscence de l’organisation d’un animal placé plus bas dans l’échelle des êtres ; mais dans les animaux inférieurs ils sont quelquefois l’indication d’un perfectionnement futur. Ainsi les traces des membres chez l’orvet et le pseudopus précèdent le développement de ces membres dans les lézards et les tortues. Le pouce des galagos et des tarsiers annonce l’apparition de la main parfaite des singes et de l’homme. En un mot, le règne animal tout entier, vivant et fossile, nous présente les mêmes phénomènes que l’évolution embryonnaire où l’animal, partant de la cellule, complète peu à peu son organisme et s’élève graduellement jusqu’à l’échelon occupé par les deux êtres qui lui ont donné naissance. Cette évolution se manifeste également dans la série des animaux dont les couches géologiques nous ont conservé les restes. Les plus

  1. P. Broca, Revue anthropologique, t. Ier, p. 590.