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LES FINANCES
DE LA VILLE DE PARIS

L’un des derniers préfets de la Seine, celui qu’emporta le coup de foudre de 1848, M. de Rambuteau, aimait à raconter qu’au moment où il quitta ses fonctions la comptabilité de la ville de Paris pouvait se réduire à des termes très simples : pas un sou de dettes, et dans les caisses 6 millions disponibles pour tout emploi dont l’urgence serait démontrée. « Cela ne s’est plus revu, » ajoutait-il avec une bonhomie qui ne manquait ni de finesse, ni d’amertume. En effet, cela ne s’est point revu, pas plus que le premier milliard du budget de l’état après 1830, auquel M. Thiers, quand ce milliard fut dépassé, adressait un salut ironique et un congé bien justifié. Le temps et les méthodes sont désormais tout autres. Viser à une balance en tout point régulière, maintenir les dépenses au niveau des recettes, c’est devenu trop élémentaire pour des raffinés comme nous, experts dans le maniement des chiffres, et qui, une fois à l’œuvre, en savent tirer si bien la quintessence. De là une habitude prise de dépenser plus qu’on n’a et de se mettre, en matière de finances, forcément ou volontairement, au régime des anticipations. C’est, depuis M. de Rambuteau ou depuis bientôt vingt-cinq ans, le cas de la ville de Paris.

Les circonstances, il est vrai, y ont amplement contribué. Nous avons eu, dans ce laps de temps, une révolution d’abord, puis une dictature, la république en 1848, l’empire en 1851, dont le passage a laissé dans la comptabilité municipale une double empreinte. Avec la république de 1848, on vit d’expédiens, le crédit souffre, l’impôt rend moins ; il y a chaque année insuffisance de ressources, et force est d’y pourvoir ; avec l’empire de 1851, les