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défense n’étaient pas aux premiers jours beaucoup plus grandes qu’en Normandie. Le nord était, il est vrai, couvert par ses places ; mais ces places avaient été épuisées de matériel au profit de Paris, de même que les dépôts d’infanterie établis dans la contrée étaient épuisés d’hommes au profit du centre de la France et des corps formés sur la Loire. Pour toute cavalerie, il y avait un dépôt de dragons qui pouvait fournir quelques cavaliers d’escorte, et il restait à Lille une seule batterie d’artillerie hors d’état de marcher. On avait nommé, bientôt après le 4 septembre, un commissaire extraordinaire de la défense pour les quatre départemens du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Aisne : c’était un médecin, M. Testelin, qui naturellement avait toute l’aptitude d’un homme complètement étranger aux choses militaires. M. Testelin, fort embarrassé de sa situation, s’était adjoint le directeur des fortifications de Lille, le colonel Farre, immédiatement élevé au grade de général, et on s’était mis à l’œuvre. Sur ces entrefaites, vers le 22 octobre arrivait le général Bourbaki, envoyé par le gouvernement de Tours, après sa romanesque sortie de Metz pour prendre le commandement supérieur de la région du nord. Bourbaki avait certes bien peu d’illusions. Sous son énergique impulsion cependant, avec le concours du général Farre, resté auprès de lui comme chef d’état-major, l’organisation à peine ébauchée se coordonnait, et prenait rapidement une certaine consistance. On développait l’artillerie, on multipliait les approvisionnemens de guerre, on créait un petit noyau de cavalerie avec quelques escadrons de dragons et de gendarmes. Quant à l’infanterie, elle se composait de régimens de marche organisés dans les dépôts et de bataillons de mobiles pris dans le pays ou appelés des départemens voisins.

Une circonstance d’ailleurs favorisait de jour en jour la formation de cette armée nouvelle. C’est par le nord que passaient tous les officiers, les sous-officiers qui s’étaient dérobés à la capitulation de Sedan, ceux qui s’échappaient des prisons d’Allemagne, et bientôt les évadés de Metz. De ce nombre étaient le colonel Lecointe, qui venait de commander un régiment de la garde et qu’on faisait général, le chef d’escadron Charon, à qui on donnait le commandement de l’artillerie. Le général Faidherbe assure qu’on retrouvait ainsi près de 300 officiers ; c’était un élément précieux pour l’armée du nord, qui s’en est toujours ressentie.

Au demeurant, vers la mi-novembre, on était arrivé à créer six batteries nouvelles d’artillerie de campagne. On avait une première division d’infanterie à peu près en état de combattre et on organisait une seconde division. Avec ces forces destinées à former le 22e corps de l’armée française, le général Bourbaki allait se porter, sans perdre de temps, sur la ligne d’Amiens à Rouen, de façon à