Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur expression la plus simple ces prétendues manifestations qui n’avaient rien d’officiel ni de politique. Le syndic de Florence, M. Peruzzi, mis en cause pour avoir assisté à une de ces cérémonies funèbres, à l’église de Santa-Croce, a répondu avec le plus spirituel bon sens, et les interpellateurs découragés ont battu prudemment en retraite ; mais voici ce qu’il y a de plus curieux. D’où partaient ces accusations ? Elles venaient des membres de la gauche, qui se font un système d’entretenir chez leurs compatriotes les plus étroits préjugés, les plus aveugles sentimens d’hostilité contre la France. Les accusés au contraire, c’étaient les ministres, M. Peruzzi, des hommes qui ne cachent pas leurs sympathies pour l’alliance française. Évidemment la France n’a guère à s’inquiéter de quelques messes dites pour un empereur défunt, surtout lorsque ceux qui assistent à ces messes sont des amis de notre pays, qui, en respectant jusque dans la mort un souverain déchu, n’oublient pas que c’est l’armée française qui a été l’instrument de leur délivrance.

Tout ce que notre gouvernement peut demander de mieux au cabinet de Rome, c’est de ne pas lui créer trop d’embarras avec les terribles interpellateurs qu’il a lui aussi, à Versailles, et qui seraient fort disposés à lui reprocher ses ménagemens envers l’Italie. Le ministère italien a aujourd’hui une occasion de montrer sa prudence avec cette loi sur les corporations religieuses de Rome, qu’une commission du parlement est occupée à étudier et à préparer. Le ministère, en proposant la suppression des ordres religieux, maintenait ce qu’on appelle les maisons généralices comme les « organes vitaux » du gouvernement spirituel du saint-siège. La commission semble devoir proposer la suppression complète des maisons généralices aussi bien que des ordres. Il s’agit de savoir si en procédant ainsi on reste fidèle à la « loi des garanties, » qui est une sorte de charte des rapports du gouvernement italien avec le saint-siège. Les Italiens eux-mêmes sont évidemment intéressés à ne pas paraître s’écarter d’une loi qu’ils ont représentée aux yeux des puissances catholiques comme la compensation du pouvoir temporel. Ils s’épargneraient bien des difficultés, et ils en épargneraient à tout le monde, même au pape, qui, en continuant à se plaindre de sa captivité, n’aurait point à invoquer ce nouveau grief.

Les questions religieuses, du reste, se mêlent partout à la politique aujourd’hui. Elles règnent en Suisse, provoquant une certaine agitation qui s’est manifestée plus vivement depuis quelques jours à Bâle, à Soleure, et surtout à Genève, où elle vient d’aboutir à l’expulsion d’un personnage ecclésiastique fort en faveur à la cour de Rome, M. Mermillod. Rien n’est plus assurément compliqué que ces luttes du pouvoir civil et du pouvoir religieux où l’on finit par ne plus s’entendre, et d’où l’on croit sortir par quelque acte sommaire qui ne fait qu’augmenter la confusion. En réalité, il y a deux questions dans ces affaires de Genève,