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l’une qui a pris un caractère fédéral, l’autre qui est restée jusqu’à un certain point toute locale. M. Mermillod, qui s’est accoutumé un peu trop à régner en maître dans un canton où il a été curé d’une des paroisses importantes, puis adjoint comme vicaire-général à l’évêché de Lausanne, dont Genève fait partie, M. Mermillod, connu depuis longtemps sous le nom de l’évêque d’Hebron, a été récemment élevé par un bref du pape à la dignité de vicaire apostolique du pays genevois. La cour de Rome avait-elle le droit de procéder ainsi ? Le conseil fédéral le conteste en s’appuyant sur une série de faits, d’actes diplomatiques, de brefs pontificaux remontant à 1815, à 1819, et réglant l’organisation ecclésiastique de la Suisse. La cour de Rome n’a voulu rien entendre, elle a passé outre, le conseil fédéral a protesté, il a sommé M. Mermillod de déclarer s’il entendait se soumettre aux lois de son pays, et sur le refus du nouveau vicaire apostolique un ordre d’exil a été lancé et exécuté. Ici évidemment le conseil fédéral a dépassé la mesure, il a été obligé d’invoquer la raison d’état et il s’est donné une apparence de persécuteur ; mais ce n’est là encore qu’un des côtés de ces terribles questions. La vérité est que le gouvernement de Genève s’est engagé depuis quelque temps dans une lutte opiniâtre contre les catholiques, allant même jusqu’à soumettre, par une loi récente, les curés à l’élection populaire, et ce qu’il y a de plus curieux, c’est que ce sont des radicaux, partisans de la séparation de l’église et de l’état, qui s’érigent en réformateurs de toute une hiérarchie ecclésiastique. Quand la confusion sera bien complète, il n’y aura pour en finir que ce principe de la liberté, si étrangement compris, mais le seul bienfaisant, le seul qui puisse rétablir la paix en dégageant tous les pouvoirs de ces conflits sans issue.

CH. DE MAZADE.

ESSAIS ET NOTICES.

Abraham Duquesne et la marine de son temps, par M. A. Jal, Paris 1873 ; 8 vol. in-8o, Plon.

L’an 56 avant Jésus-Christ, les Venètes, peuplade gauloise de l’Armorique, livraient à la flotte de César une grande bataille et lui disputaient vaillamment la victoire. C’est là dans les annales du passé la plus lointaine mention de notre marine de guerre. Sous les premiers rois, une flotte mérovingienne détruit une flotte danoise. Charles Martel dirige contre la Frise une expédition maritime, et Charlemagne organise de nombreuses croisières dans l’Océan et la Méditerranée pour s’opposer aux invasions normandes ou sarrasines ; mais le démembrement de l’empire et l’établissement de la féodalité font disparaître pendant près de