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LA MORT D’ALI PACHA.

officiers les plus estimés de notre marine. 30,000 Moréotes environ s’étaient réunis devant Tripolitza ; ils se partagèrent en trois corps. On avait trouvé dans la ville conquise vingt pièces de canon, plusieurs milliers de fusils et des munitions ; c’en était assez pour serrer de plus près Modon, Coron et Patras, mais non pas pour tenter des approches régulières contre Nauplie, « sorte de Gibraltar respectable même pour de bonnes troupes, » ou contre Corinthe, dont la citadelle gardait les trésors du Timariote Kiamil-Bey, évalués à plusieurs millions. Cette dernière place céda, le 22 janvier 1822, aux promesses d’une capitulation trompeuse. La cruauté que montrèrent les Grecs en cette occasion, leur manque de foi, ne contribuèrent pas peu à prolonger la résistance des forteresses qui se défendaient encore.

Les principales opérations des insurgés avaient lieu en Morée. Sur tous les autres points, la révolution était tenue en échec ou ne poursuivait qu’avec une extrême lenteur ses progrès. Le 4 juillet 1821, la grande île de Candie avait pris les armes. À la suite du massacre de 400 Grecs, les Turcs, repoussés par les habitans des montagnes, qui étaient descendus dans la plaine pour prêter main-forte aux chrétiens, se trouvaient rejetés dans les trois villes de Candie, de La Canée et de Rethymo. Le 10 août, ils tentaient une sortie générale et ne réussissaient qu’à perdre quelques centaines d’hommes. « Ces succès, écrivait l’amiral Halgan, encouragent les Grecs, qui paraissent avoir dans cette île environ 30,000 hommes en âge de porter les armes ; mais le tiers seulement est muni d’assez médiocres fusils. J’ai lieu de penser que les Candiotes seraient bien aises d’appartenir à une puissance européenne qui leur procurât des garanties pour leurs biens et pour leur liberté. À l’égard des Turcs, ils s’estimeraient heureux qu’on les tirât du mauvais pas où ils sont engagés en les transportant sur quelque autre point de la domination ottomane. »

L’amiral Halgan, qui soupçonnait les Anglais de convoiter secrètement la Morée, songeait-il donc aussi à trouver dans le grand naufrage quelque épave qui fût de nature à dédommager la France ? Je n’affirmerais pas qu’une pareille pensée n’ait point un instant traversé son esprit, cependant il est certain qu’il ne s’y arrêta pas. Il n’était pas besoin d’ailleurs de préoccupations égoïstes pour chercher avidement le moyen d’arrêter ce terrible conflit. La Grèce, ravagée, menaçait de devenir bientôt une solitude. Le 7 août 1821, pendant son séjour au mouillage de La Mandri, le chevalier de Viella avait vu se précipiter vers le rivage, avec une partie de leurs troupeaux, les malheureux habitans de l’Attique, qui fuyaient devant le pacha de l’Eubée. Athènes, retombée aux mains des Alba-