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en Pologne, en Poméranie. Il prenait part aux batailles d’Iéna et de Pultusk, aux siéges de Stralsund et de Graudentz. En 1808, il, se distinguait en Espagne aux combats de Rio-Seco, de Somo-Sierra, de la Sepulveda, à la prise de Madrid. L’année suivante, il faisait la guerre en Autriche. La restauration le trouva capitaine de frégate depuis 1811 ; ses services lui avaient valu sous l’empire, peu prodigue de pareilles préférences, un avancement exceptionnellement rapide. À ceux qui eussent été tentés de le lui reprocher, le capitaine de Rigny aurait pu raconter ses campagnes, l’enlèvement du village de Borselen, près de Flessingue, le commandement du brick le Railleur et de la frégate l’Érigone ; il aurait pu au besoin leur montrer trois blessures. Le gouvernement connaissait son tact, sa prudence, sa sûreté d’appréciation ; il l’envoyait dans le Levant non pas précisément pour contrôler les rapports du contre-amiral Halgan, mais pour avoir deux impressions indépendantes au lieu d’une. C’est ainsi que le gouvernement anglais, tout en laissant à l’amiral sir Graham Moore la haute direction des affaires, avait cru devoir placer sous ses ordres un jeune commandant qui fut pendant six ans le rival du capitaine et, plus tard de l’amiral de Rigny, qui lui disputa la faveur des Grecs et ne s’éclipsa que devant la gloire du vainqueur de Navarin. Le capitaine Hamilton avait paru sur la rade de Smyme le 18 août 1821 avec la frégate anglaise la Cambrian. « Dans les visites que nous avons échangées, écrivait le consul-général M. David, il m’a dit qu’il était né à Paris de la famille du fameux comte. Il est allié par conséquent à celle des Grammont, et il a soin de le faire remarquer. C’est un bel homme, froidement poli. » Tel était l’officier que nous verrons l’Angleterre opposer parfois avec succès, le plus souvent avec désavantage, à un homme dont rien n’a jamais pu troubler la ferme et honnête raison, qui, suivant les expressions d’un illustre ministre, bien digne de le juger, « savait conserver dans les crises politiques le sang-froid du capitaine et élever l’art de commander jusqu’à l’esprit de gouvernement. »

Partie de Toulon le 28 mars 1822, de Palerme le 16 avril, la Médée arrivait à Milo le 2 mai. Le 12 août, elle quittait Smyme pour rentrer à Toulon. En trois mois, elle avait visité l’Archipel, la côte de Syrie et l’Égypte. Le chevalier de Rigny vit d’abord les Grecs abattus par leurs revers ; il les retrouva en revenant d’Égypte exaltés et retrempés par l’héroïsme de Canaris et de Nikétas. Ses rapports font foi de ce double mouvement d’opinion. « Les Grecs, avait-il écrit de Milo le 9 mai 1822, ont été aiguillonnés jusqu’ici par l’espoir d’une puissante diversion en leur faveur. On peut croire, si cet appui leur manque, que la plupart d’entre eux se soumettront plus facilement encore qu’ils ne se sont soulevés. Pour se