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immédiatement l’attaque ; il bornait son ambition, pour la journée du 24, « à se maintenir sur le terrain conquis, » en attendant l’arrivée de nouveaux renforts. Faidherbe, qui était resté sur ses positions prêt à recevoir le choc dès le matin, ne pouvait se méprendre sur la vraie raison de cette sorte de trêve qu’on lui laissait, et comme il n’attendait pas de renforts, quant à lui, — comme c’eût été une grande témérité de laisser à son adversaire le temps de se rejeter avec des forces nouvelles sur son armée éprouvée par une bataille et par les nuits rigoureuses du bivouac, il se décidait à la retraite. Il partait du reste en bon ordre, à deux heures de l’après-midi, en homme maître de ses résolutions ; il se proposait d’aller se refaire un instant dans des cantonnemens sûrs, derrière la Scarpe, entre Arras et Douai. Ce n’est que le lendemain que le général de Gœben et la cavalerie du prince Albrecht se jetaient dans le vide laissé par l’armée française ; ils « suivaient » cette armée, on peut le dire, ils ne la « poursuivaient » pas. Ici encore une fois Manteuffel se retrouvait dans cette condition singulière d’avoir à faire face à deux ordres d’opérations, — en Normandie, où l’occupation avait de nouveau affaire à nos détachemens rentrés en campagne, et au nord, où il avait à surveiller Faidherbe. Le chemin de fer d’Amiens à Rouen restait pour lui le grand moyen d’action, le lien des deux ailes de son armée. Il prenait quelques bataillons pour les ramener momentanément en Normandie. En définitive cependant la masse de l’armée de Manteuffel ne quittait pas le nord. Les Allemands se décidaient désormais à investir Péronne, qui les gênait singulièrement dans leurs évolutions sur la Somme, et le gros des forces prussiennes, sous les ordres du général de Gœben, se portait en avant autour de Bapaume, avec le double objet de couvrir le siège de Péronne en tenant tête à Faidherbe, dont un retour offensif était toujours à craindre.

Faidherbe en effet ne restait pas longtemps inactif dans ses cantonnemens de la Scarpe. Il se hâtait d’autant plus qu’il sentait la nécessité de dégager Péronne, poste précieux à conserver pour nous, utile à conquérir pour les Allemands, qui procédaient déjà par le bombardement. Le 31 décembre, Faidherbe était de nouveau en avant d’Arras, sur la route de Bapaume, allant à la rencontre de l’ennemi. La lutte recommençait ; le 1er et le 2 janvier 1871, elle était marquée par deux combats sanglans à Achiet-le-Grand et à Behagnies, l’un favorable pour nos armes, l’autre, celui de Behagnies, plus heureux pour l’ennemi, mais en réalité sans résultat pour lui, puisqu’il se voyait obligé de se replier en présence de la marche décidée de Faidherbe. Le 3 janvier, l’action devenait générale. Les Allemands n’avaient pas des forces trop considérables ; ils avaient eu cependant le soin de les grossir de quelques bataillons