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et de la Rivière de l’Est. En d’autres endroits, à Détroit sur la rivière du même nom, à Saint-Charles sur le Missouri, à Parkersburg sur l’Ohio, le bateau embarque des wagons de chemins de fer. En réalité, ce mode de transbordement n’est avantageux que pour les marchandises ; les voyageurs peuvent aussi bien quitter le train sur une rive et reprendre un autre train après avoir passé la rivière. M. Malézieux critique avec raison le projet qu’eut, il y a quelques années, la compagnie du chemin de fer du Nord d’appliquer ce système à la traversée de la Manche. Les voyageurs aimeront toujours mieux se promener à loisir sur le pont d’un bateau plutôt que d’être bloqués dans l’étroite case d’une voiture. Le principal inconvénient des bacs à vapeur aux États-Unis est de faire perdre du temps et de devenir dangereux, parfois même d’être complètement arrêtés quand les rivières charrient des glaçons.

A mesure que la circulation est devenue plus active, on s’est résigné à construire des ponts sur les grandes rivières, quelque élevée qu’en dût être la dépense. Rarement on y emploie la maçonnerie, soit que les matériaux de bonne qualité fassent défaut, soit plutôt parce que ce mode de construction ne se prêterait pas aux grandes hardiesses des ingénieurs américains. Jusqu’en 1850, on édifiait presque exclusivement des ponts en charpente, dans le système à poutres droites, sans arcs, que nous appelons encore des ponts américains. Plus tard, on n’a plus employé le bois que dans les cas où l’on était obligé, faute de ressources, de viser à l’économie. Le fer et l’acier, qui sont plus durables, ont obtenu la préférence. Enfin le système des ponts suspendus, si commode pour franchir de grands espaces sans appuis intermédiaires, si économique et même si élégant, est rentré en faveur de l’autre côté de l’Atlantique vers l’époque où l’accident d’Angers le faisait proscrire en France. Les Américains l’ont si bien amélioré qu’ils osent même y faire circuler des locomotives.

Les ponts métalliques de l’Amérique ne ressemblent que de loin aux constructions de ce genre, massives et grossières, que l’on voit sur quelques-unes de nos rivières. Au lieu d’un treillis à petites mailles dont toutes les pièces sont rivées ensemble et travaillent tour à tour par compression et par extension, c’est un assemblage de tiges qui ne se tiennent que par leurs extrémités et qui travaillent toujours de la même façon, les unes par extension, les autres par compression. C’est un principe fort connu que le fer résiste beaucoup mieux quand on l’étire que lorsqu’on le comprime. Tel est le principe bien simple dont les Américains ont fait l’application, et ils sont parvenus ainsi à bâtir des ponts métalliques aussi solides et trois ou quatre fois plus légers que les nôtres. Il y a dans ce système quelque chose de plus remarquable que la question