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de ces renforts, qui ne seraient d’ailleurs arrivés qu’en petite partie pendant l’action. Ils ne sont peut-être pas arrivés, mais ils allaient arriver, et la certitude de leur apparition prochaine était une garantie pour les chefs prussiens, qui sans cela se seraient engagés moins résolument, de même que le général français eût disputé encore le champ de bataille, s’il eût été certain de voir 10,000 hommes arriver d’un instant à l’autre à son secours. Malgré tout ce qu’ils avaient déployé de forces, les Prussiens étaient tellement épuisés eux-mêmes le soir de la bataille de Saint-Quentin, qu’ils étaient obligés de laisser à Faidherbe cette heureuse trêve d’une nuit qui lui permettait de se dérober avec son armée. Le lendemain seulement ils commençaient « une poursuite générale et sans relâche, » Kummer vers Cambrai, Barnekow vers Clary et Caudry, un troisième vers Guise et Cateau-Cambrésis ; mais il était déjà un peu tard. Tout ce que pouvaient faire les Prussiens, c’était de promener leurs colonnes mobiles dans ces contrées du nord, d’aller adresser une vaine sommation à Cambrai, qui refusait naturellement de se rendre, ou d’aller essayer contre Landrecies un bombardement qui n’avait pas plus de succès. Puis ils revenaient sur la Somme. Pendant ce temps, Faidherbe, réfugié entre Cambrai, Douai, Valenciennes, Arras et Lille, s’occupait de réparer ses pertes et de reconstituer ses forces.

C’est alors que l’armistice du 28 janvier venait dire le dernier mot de cette lutte sanglante pour le nord comme pour toutes les autres parties de la France. La reddition de Paris ne pouvait être que le préliminaire de la reddition définitive du pays, trahi de tous côtés par la fortune. Les armes tombaient des mains des combattans, la guerre était finie. Dans quelle mesure cette armée du nord, qui restait encore la moins compromise de nos armées, avait-elle coopéré à l’ensemble de la défense nationale ? Elle avait eu certainement son rôle et même une physionomie à part. Armée improvisée en toute hâte, composée d’éléments incohérens, de soldats de la veille et d’officiers assez novices, elle n’avait pu sans doute frapper de grands coups ; elle n’avait pas fait des sorties décisives en dehors de ses lignes, et dans ses mouvemens les plus hardis elle n’avait jamais dépassé la Somme. Telle qu’elle était cependant, elle venait de faire une campagne de soixante jours où elle avait prodigué sa bonne volonté. Existant à peine au 20 novembre, elle avait en deux mois livré quatre grandes batailles et de petits combats incessans, défendant son terrain, infligeant à l’ennemi les pertes les plus sérieuses, s’aguerrissant rapidement sous un chef prudent et attentif qui savait ménager ses forces, et qui avait fini par l’animer de son esprit en lui inspirant une entière confiance. Facilement accessible