Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/602

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Angleterre, mais il redevient comme les autres un traître de mélodrame quand les inévitables divergences se manifestent. « Sébastiani et Soult cherchent apparemment à fomenter une querelle à tous leurs voisins ou à contraindre tout le monde à subir leur insolence et leurs agressions… » Ils témoignent chaque jour le désir de « nous traiter d’une façon à laquelle nous ne saurions nous soumettre. »

Nous pourrions multiplier à l’infini ces témoignages d’une méfiance et d’une susceptibilité personnelles poussées parfois jusqu’à l’aberration. Comme le général Sébastiani était fort influent alors dans nos conseils, c’est lui qui est en butte aux plus fréquentes et aux plus injurieuses imputations, aussi bien qu’à des procédés qui auraient été jugés assez sévèrement à Londres, si les rôles avaient été renversés. Que lisons-nous par exemple dans une lettre de l’excellent et bienveillant lord Granville lui-même, père du ministre actuel, et alors ambassadeur à Paris ? « Quand Perier m’a parlé de sa majorité dans la chambre comme douteuse, je lui dis que peut-être l’impopularité de son ministre des affaires étrangères lui ferait perdre quelques voix… » Telle fut trop habituellement la politique de lord Palmerston. Des animosités gratuites contre les ministres dirigeans des cours étrangères, qu’un peu de savoir-vivre diplomatique aurait suffi pour maintenir dans les plus amicales dispositions ; puis, la querelle survenue, le sacrifice du ministre était poursuivi et réclamé sans relâche, — le bon accord avec l’Angleterre était à ce prix.

Assurément nous n’entreprendrons pas de venger la série de nos hommes d’état de cette époque contre les calomnies dont chacun d’eux a été successivement l’objet de la part de lord Palmerston et de la presse dont il disposait chaque fois qu’il leur était interdit d’entrer absolument dans ses vues ; mais les circonstances nous ont permis plus tard de voir de très près le maréchal Sébastiani, accusé à tant de reprises de « déloyauté, » et d’être associé à ses efforts incessans pour maintenir l’intime alliance des deux états. Nous n’hésitons point à le dire en pleine connaissance de cause, non-seulement l’Angleterre n’a jamais eu un plus fidèle et plus « loyal » allié, mais il est difficile pour un étranger de concevoir pour un pays qui n’est pas le sien plus d’estime, de sympathie et d’admiration que n’inspirait l’Angleterre au glorieux vétéran qui l’avait tant de fois combattue sur le champ de bataille. Nous pourrions en dire au moins autant du roi Louis-Philippe, qui, plus que personne, a habitué les deux nations, si longtemps ennemies, à consulter leurs plus chers intérêts en cultivant des relations amicales, et Dieu sait de quelles imputations il a été poursuivi par lord Palmerston et par son école pour avoir rempli à l’égard de la France ses devoirs élémentaires