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positives et répétées du gouvernement français et d’après des considérations politiques concluantes, qu’elles ne trouveront aucun -appui auprès de la France dans l’exécution de leur plan.

« Mon opinion sur cette question est distincte et absolue. Je crois que le but proposé est de la plus haute importance pour les intérêts de l’Angleterre, pour la conservation de l’équilibre général et pour le maintien de la paix en Europe. Je trouve les trois puissances entièrement prêtes à se rallier à mes vues sur cette matière, si ces vues doivent être celles du gouvernement britannique. Je ne puis douter que les quatre puissances, agissant d’accord avec le sultan et dans son intérêt, ne soient parfaitement en état de mettre ces vues à exécution, et je crois que les intérêts commerciaux et politiques de la Grande-Bretagne, l’honneur et la dignité du pays, la bonne foi envers le sultan, une juste appréciation de la politique européenne, tout exige que nous adoptions cette conduite. J’estime d’autre part que, si nous nous retirons et que nous nous refusions à une coopération avec l’Autriche, la Russie et la Prusse dans cette affaire, parce que la France se tient à l’écart et ne s’unit point avec nous, nous donnerons à ce pays l’humiliante position d’être tenu en lisières par la France, nous reconnaîtrons virtuellement que, même lorsque nous sommes soutenus par les trois autres puissances du continent, nous n’osons nous engager dans aucun système politique en opposition avec la volonté de la France, et que nous considérons son concours positif comme une condition nécessaire de notre propre action. Or il me semble que ceci est un principe de politique qui ne sied pas à la puissance et à la position de l’Angleterre, et qui devra fréquemment conduire ce pays, comme dans la circonstance actuelle, à se subordonner aux vues de la France pour l’accomplissement de desseins nuisibles aux intérêts britanniques.

« Notre refus de continuer à marcher d’accord avec les trois puissances parce que la France ne se joint pas à nous aura pour résultat immédiat que la Russie retirera ses offres de se rallier aux trois puissances pour la solution des affaires de la Turquie, qu’elle reprendra, à l’égard de ces affaires, sa position isolée, et vous verrez le traité d’Unkiar-Skelessi renouvelé sous quelque forme encore plus répréhensible. De cette manière, nous perdrons sur ce point les avantages qu’il nous a fallu des efforts longs et compliqués pour gagner, et l’Angleterre rétablira volontairement, de propos délibéré, ce protectorat séparé de la Russie sur la Turquie, dont l’existence a été longtemps pour les autres puissances de l’Europe un sujet de jalousie et d’appréhensions bien fondées.

« Le résultat final d’une telle décision sera la division effective de l’empire ottoman en deux états séparés, dont l’un sera dans la dépendance de la France, l’autre un satellite de la Russie, dans chacun