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sur-le-champ saisie d’une ; grande- crainte, epiticopi protinus grandi scrupulo permoveri cæperunt, appréhendant que cet homme d’un génie véhément, ne vir vehementis ingenii, et d’une foi ardente en Dieu, et acris erga Deum fidei, ne les traitât trop rigoureusement pour leurs négligences, et ne discutât leur conduite avec trop de sévérité. Ils se réunirent donc et, d’un commun accord ; communibus omnes consiliis regem adorti, vinrent prier le roi, orabant, de tenir comme non avenue l’élection pontificale, faite sans son ordre à Rome, ut éiectionem, quæ ejus injussu facta fuerat, irritam fore decerneret, affirmant que, si le roi ne prenait les devans sur l’impétuosité du nouveau pape, nisi impetum hominis prævenire maturaret, le mal deviendrait irrémédiable, et le roi lui-même s’en ressentirait, in ipsum regem redundaturum esset. À ces conseils, qui ne manquaient pas de valeur politique, que répondit ce jeune roi que les moine » saxons qualifient déjà de Néron nouveau[1] et d’être si pervers que les crimes des plus grands scélérats ne sauraient être comparés aux siens[2] ? Il sursit à prendre aucune résolution, et envoya le comte Éberard à Rome, pour voir les choses par ses yeux et lui en faire rapport. L’envoyé royal fut bien reçu par le pape, auquel il donna de rassurans renseignemens, et de si bonnes relations s’établirent entre le pape élu et le jeune roi, que Grégoire VII en témoigna lui-même sa satisfaction en une lettre que nous lisons au Registrum, — de tout quoi l’on peut conclure encore que la lettre fulminante dont parle Bonizon est apocryphe. Quant à ce qu’ajoute Lambert au sujet de la consécration retardée, il n’est évidemment que l’écho d’un bruit qui fut répandu en Allemagne par les amis de la paix, et ce qui le prouve, c’est qu’il dit qu’en effet le pape retarda sa consécration jusqu’à l’année suivante, tandis qu’il : est bien établi qu’il fut consacré au mois de juin 1073[3].

Quelles qu’aient été ces premières communications de l’empereur Henri IV avec le pape Grégoire VII, un fait est assuré, c’est qu’il y eut un sursis apparent d’hostilités entre les deux potentats, et qu’avant la fin de l’année une nouvelle et formidable insurrection éclata dans la Saxe. Les deux grands personnages qui semblaient se mesurer de l’œil avant d’entrer en lice corps à corps se préparaient à la bataille dans des conditions bien différentes. On a vu depuis lors Frédéric II et Innocent IV entrer en champ-clos presque avec armes égales ; entre Boniface VIII et Philippe le Bel ; l’avantage est resté au

  1. Brunon de Magdebourg, De bello saxonico ; Pertes t. V ; — Paul de Berneried, dans Watterich t. Ier ; — Albert de Stade, dans Pertz, XVI.
  2. « Henricus archipirata… consuetudinariis criniinibus, a seculis inaudita excogitabat, etc. » Conrad. d’Ursperg, dans Struve, t. Ier, p. 305.
  3. Voyez la Chronica Sancti Benedicti, dans Pertz, t. III, p. 203, et Bonizon lui-même, dans Watterich.