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et enfin les contractions du cœur s’arrêtent. C’est le moment de la mort. Le cœur est l’ultimum moriens. Telle est la série des morts partielles et lentes qui chez le vieillard épargné par la maladie aboutissent à la fin dernière. L’individu qui s’endort dans ces conditions de l’éternel sommeil meurt comme le végétal qui, n’ayant pas conscience de la vie, ne saurait avoir conscience de la mort. Il passe insensiblement de l’une à l’autre. Mourir ainsi n’a rien de pénible. L’idée de l’heure suprême ne nous épouvante que parce qu’elle met un terme subit à nos relations avec ce qui nous entoure ; mais, quand le sentiment de ces relations est depuis longtemps évanoui, l’effroi ne peut plus exister au bord de la tombe. L’animal ne frissonne point au moment où il va cesser d’être.

Malheureusement ce genre de mort est peu commun dans l’humanité. La mort de vieillesse est devenue un phénomène extraordinaire. Le plus souvent nous succombons à une perturbation tantôt soudaine, tantôt graduelle, des fonctions de notre économie. Ici, comme dans le cas précédent, on voit la vie animale disparaître la première ; mais les modes de terminaison sont infiniment variés[1]. Un des plus fréquens est la mort par le poumon ; à la suite des pneumonies et des phthisies diverses, l’oxydation du sang ne pouvant plus se faire à cause de la désorganisation des globules pulmonaires, le sang veineux retourne au cœur sans s’être révivifié. Dans le cas des fièvres graves et continues et des maladies infectieuses, épidémiques ou autres, qui sont avant tout des empoisonnemens du sang, la mort arrive par une altération générale de la nutrition. Cela est plus vrai encore de la mort qui survient à la suite de certaines maladies chroniques des organes digestifs. Quand ceux-ci sont altérés, la sécrétion des sucs affectés à la dissolution des alimens est tarie, et les sucs traversent le tube intestinal sans avoir été utilisés. En ce cas, le malade meurt d’une véritable inanition. Une des causes les plus fréquentes de la mort est l’hémorrhagie. Lorsqu’une grosse artère a été ouverte par une cause quelconque, et que le sang s’est écoulé en abondance, la peau pâlit, la chaleur diminue, la respiration devient entrecoupée, des éblouissemens, des vertiges, se déclarent, la physionomie change d’expression, une sueur froide et gluante couvre une partie du visage et des membres, le pouls s’affaiblit graduellement, enfin le cœur s’arrête. Virgile a peint avec une saisissante vérité l’hémorrhagie dans le récit de la mort de Didon.

La mort subite, en dehors des causes extérieures et accidentelles,

  1. Mille modis morimur mortales, nascimur uno ;
    Una via est vitæ, moriendi mille figuræ.