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comprenons les scrupules de M. Brown-Séquard, mais il est permis de douter qu’il eût infligé de grandes tortures à la tête du supplicié ; il n’y eût réveillé qu’une sensibilité très obscure et très confuse. Cela s’explique. Il suffit pendant la vie de la moindre perturbation dans la circulation cérébrale pour pervertir complètement les sensations et les pensées. Or, s’il suffit de quelques gouttes de sang en moins ou en trop dans le cerveau d’un animal en pleine santé pour altérer la régularité de ses manifestations psychiques, à plus forte raison l’intégrité du fonctionnement cérébral sera-t-elle compromise, si celui-ci est réveillé par une injection de sang étranger, et une injection nécessairement impuissante à faire circuler le sang avec une pression et un équilibre convenables.

La rigidité cadavérique est un des phénomènes les plus caractéristiques de la mort. C’est un durcissement général des muscles, tel que ceux-ci deviennent inextensibles au point que les articulations ne peuvent plus être fléchies ; ce phénomène commence quelques heures après la mort. Les muscles de la mâchoire se raidissent les premiers ; puis la rigidité envahit successivement les muscles abdominaux, les muscles du cou et enfin les muscles thoraciques. Ce durcissement se fait par la coagulation de la matière albuminoïde semi-liquide, qui constitue les fibres des muscles, de même que la solidification du sang a pour cause la coagulation de la fibrine. Après quelques heures, la musculine coagulée redevient fluide, la rigidité cesse et les muscles se relâchent. Il se passe aussi quelque chose d’analogue dans le sang. Les globules s’altèrent, se déforment, éprouvent un commencement de dissociation. Les agens de putréfaction, vibrions et bactéries, préludent ainsi à leur grand travail par une sourde désagrégation des parties les plus cachées.

Enfin, quand les résurrections partielles sont devenues impossibles, quand la dernière étincelle de vie est éteinte et quand la rigidité cadavérique a cessé, un nouvel ouvrage commence. Les germes vivans, qui étaient accumulés à la surface du cadavre et à l’intérieur du tube digestif, se développent, se multiplient, pénètrent dans tous les points de l’organisme et y opèrent une dissociation complète des tissus et des humeurs ; c’est la putréfaction. Le moment où elle se déclare varie avec les causes de la mort et avec le degré de la température extérieure. Quand la mort a été la suite d’une maladie putride, la putréfaction s’établit presque aussitôt que le cadavre est refroidi. Il en est de même lorsque l’atmosphère est chaude[1]. En moyenne, le travail de décomposition devient

  1. Cependant une température très élevée agit comme le froid. Elle retarde le moment de la putréfaction en coagulant les matières albuminoïdes de façon à les rendre moins putrescibles.