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les lois qu’il a préparées à la landesgemeinde, qu’il a le droit de convoquer extraordinairement quand le besoin s’en fait sentir.

C’est dans la landesgemeinde que se concentre tout le pouvoir souverain : c’est elle qui vote les lois ; c’est elle qui nomme directement le landamman, le premier magistrat du canton, qui préside la commission d’état ; elle nomme également son lieutenant, le landesstatlhalter, le trésorier cantonal, le chef de la milice cantonale ; elle nomme enfin les députés au conseil national et au conseil des états. C’est là sans doute un spectacle étrange pour des yeux accoutumés au mécanisme compliqué de nos gouvernemens modernes ; on pourrait croire que ce gouvernement direct est illusoire, et que les délibérations de la landesgemeinde ne sont qu’une formalité sans valeur. Il n’en est rien cependant. Ce gouvernement de la place publique, qui serait impraticable dans un grand pays comme le nôtre, fonctionne très régulièrement et très sérieusement dans de petits états où les conditions se rapprochent, et où les intérêts publics sont sous les yeux et sous la main de tous. Il a même sur le gouvernement représentatif ce grand avantage, qu’il intéresse tout le monde à la chose publique, et que les citoyens, dont ailleurs tout le rôle politique se borne à déposer un bulletin dans une urne, sont obligés ici de prendre une part active à la direction de l’état et à la confection des lois. A Glaris par exemple, où l’assemblée compte souvent 5,000 ou 6,000 assistans et va dans les grandes occasions jusqu’à 7,000, les délibérations sont parfois fort sérieuses, et les questions législatives les plus compliquées, les plus graves, sont résolues quelquefois avec plus de réflexion et de sagesse que dans nos propres assemblées représentatives. Il arrive souvent que la séance dure quatre heures entières ; chaque citoyen peut suivre la discussion sur le mémoire préparé par le triple conseil et distribué à tous, plusieurs jours avant l’assemblée, jusqu’au fond des hameaux les plus. reculés. A Trogen, dans les Rhodes-Extérieures (l’un des demi-cantons d’Appenzell), la landesgemeinde compte jusqu’à 10,000 et 11,000 assistans, tous vêtus de noir, plusieurs l’épée au côté, suivant la mode de leurs pères ; dans cette foule énorme, la voix du landamman ne peut pas être entendue, et il faut qu’il emprunte celle de l’huissier cantonal, qui répète en criant chacune des questions posées par le magistrat. Quand on vote, la majorité se juge par l’effet de blancheur que produisent les mains levées dans la foule. S’il y a doute, l’épreuve est répétée et soumise au jugement d’un jury d’experts dont. la décision est sans appel ; quand le doute persiste, on sépare les deux partis, comme à la chambre des communes d’Angleterre, et on les dénombre en les faisant défiler homme par homme. Dans les landesgemeinden d’Uri, d’Obwald, de Niedwald,