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Quant aux attributions de la souveraineté cantonale, la constitution de 1848 a dû les limiter comme les constitutions précédentes, et elle l’a fait à la fois avec plus de rigueur et plus de sagesse que le pacte fédéral de 1815. Elle n’interdit pas simplement les ligues particulières entre cantons, sans définir positivement les droits de l’autorité fédérale. Elle proscrit absolument les alliances et les traités politiques contractés par les autorités cantonales ; elle autorise au contraire des conventions internationales ou intercantonales sur les objets d’administration, de législation ou de justice, moyennant qu’elles soient soumises à l’approbation du gouvernement fédéral. L’autorité fédérale apparaît ainsi comme le tuteur des cantons et comme le garant de leur liberté mutuelle dans tout ce qui est du domaine de leur législation et de leur administration locales ; elle se réserve au contraire ce qui touche à la politique nationale, aux relations extérieures, aux grands intérêts de l’état. C’est elle seule qui représente les cantons devant les puissances étrangères, elle seule qui conclut les traités, qui signe les alliances, qui prononce les déclarations de guerre. Elle intervient également comme arbitre dans les différends qui s’élèvent entre les cantons, et qui sont soumis à un tribunal fédéral analogue à la cour suprême des États-Unis, nommé d’ailleurs par l’assemblée fédérale, et dont la compétence est réglée par elle. Il en est ainsi des différends où la confédération elle-même figure à titre de partie et des cas de violation de la constitution fédérale.

La constitution de 1848 a fait davantage : elle a réalisé de grands progrès matériels en achevant des réformes déjà commencées auparavant, et en centralisant hardiment un certain nombre de services indispensables qui longtemps étaient restés en souffrance faute d’être confiés au gouvernement fédéral. Elle a rassemblé dans les mains du pouvoir central la direction des postes et des douanes, celle des monnaies, celle des poids et mesures, celle de la régale des poudres et des armes. La confédération y trouve une source de revenus qui lui permet de faire face à ses propres dépenses. Quant aux cantons dépossédés des impôts qu’ils avaient frappés sur ces matières, ils reçoivent divers dédommage-mens. En indemnité de la perte des douanes, la confédération leur alloue 58 centimes (4 batz) par an et par tête, plus un supplément d’indemnité pour ceux que cette allocation ne couvre pas de leurs pertes. Pour les postes, les cantons reçoivent la moyenne du revenu net qu’ils en tiraient à l’époque où ils les exploitaient eux-mêmes. Si toutefois les bénéfices réalisés par la confédération ne suffisaient pas pour compléter ces indemnités, elles subiraient une diminution proportionnelle.