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L’armée fédérale est loin d’être centralisée au même degré. Suivant la constitution de 1848, « l’armée fédérale se compose des contingens des cantons, » c’est-à-dire que l’autorité fédérale n’a pas le droit d’entretenir des troupes permanentes ; elle a seulement le droit de requérir celles que les cantons doivent tenir à ses ordres. Nul canton d’autre part ne peut avoir plus de 300 hommes d’armée permanente sans l’autorisation fédérale, nul canton ne peut requérir le secours militaire d’autres cantons qu’en cas d’urgence et en avertissant le conseil fédéral ; autrement c’est le conseil fédéral tout seul qui avise aux mesures nécessaires. L’armée suisse est essentiellement une milice locale en ce sens que le gouvernement fédéral s’adresse non pas directement à la population capable de porter les armes, mais aux cantons, dont les contingens sont réglés d’avance en proportion de leur population totale. Ainsi chaque citoyen doit le service militaire à partir de vingt ans, mais dans le fait son temps de service est plus ou moins long, suivant l’abondance des sujets valides et propres au métier des armes. L’armée en effet comprend trois parties : l’élite, à laquelle les cantons doivent fournir 3 hommes par 100 âmes de population, la réserve, dont l’effectif est égal à la moitié de l’élite et qui se compose des hommes qui en sortent, enfin la landwehr, dont l’effectif est irrégulier et qui comprend tous les hommes valides jusqu’à l’âge de quarante-quatre ans.

Dans ce système, qui met l’organisation et l’entretien de l’armée à la charge des cantons, le commandement et l’instruction leur appartiennent nécessairement. Toutes les unités tactiques formées dans le sein des cantons ont leurs chefs nommés par les gouvernemens cantonaux. Il y a seulement un état-major fédéral qui, en cas de besoin, rassemble et organise ces corps séparés, en fait des brigades, des divisions, des corps d’armée, placés sous les ordres des officiers fédéraux qui sont désignés par l’assemblée fédérale. Le grade le plus élevé de l’état-major est, comme on sait, celui de colonel ; il y a d’ailleurs des états-majors spéciaux pour la justice militaire, l’intendance et le service médical. Quant à l’instruction militaire, les cantons doivent la donner conforme aux règlemens fédéraux ; l’élite et la réserve sont inspectées chaque année par les colonels de l’état-major fédéral. La confédération ne s’est attribué que l’instruction des armes spéciales, le génie, l’artillerie, la cavalerie, les carabiniers, qu’il serait matériellement impossible d’instruire sur place dans les cantons, et dont il est nécessaire de rassembler les élémens pour les employer avec profit. Pour l’infanterie, la confédération se contente de prescrire tous les deux ans l’exercice en corps d’armée pendant un ou deux mois.