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toujours des règlemens surannés qui interdisent, comme au moyen âge, l’entrée de telles ou telles marchandises. Enfin l’exercice des professions les plus indépendantes est encore soumis en certains lieux à l’obtention de patentes coûteuses et à l’accomplissement de certaines conditions fort gênantes, car, faute de les remplir, on ne peut pas exercer sa profession en dehors du canton où l’on est né. C’est pour mettre fin à ces entraves que l’article 29 du nouveau projet de constitution proclame la liberté du commerce et de l’industrie, et que l’article 30 décide que la législation fédérale pourvoira à ce qu’il soit délivré aux personnes qui veulent exercer des professions libérales des certificats de capacité valables dans toute l’étendue de la confédération.

Deux mesures d’une utilité moins pressante sont celles qui placent dans le domaine de la confédération la législation sur les banques et la législation sur la construction et l’exploitation des chemins de fer. Jusqu’à présent, on ne prétend régler que l’émission et le remboursement des billets de banque. Rien de mieux que cette surveillance exercée par la confédération sur les établissemens de crédit, qui échappent souvent par leur importance et par la multiplicité de leurs relations à la surveillance des cantons, et surtout des petits cantons ; mais le but final et certain de cette mesure est soit de réunir un certain nombre de banques privilégiées sous le patronage de la confédération, soit de permettre à celle-ci de créer elle-même une banque d’état, ce dont l’utilité est au moins douteuse. Quant aux chemins de fer, la mesure qui les concerne a été résolue à l’instigation des chefs des grandes compagnies, de ceux qu’on appelle à Berne le parti des barons, dans le dessein de mettre l’autorité fédérale au service de leurs entreprises, et particulièrement pour favoriser l’affaire du Saint-Gothard. Il y a quelques années, les barons, à la tête desquels il faut placer M. Alfred Escher (de Zurich), régnaient souverainement dans un certain nombre de gros cantons dont le gouvernement était devenu pour ainsi dire la succursale des grandes compagnies, et d’où ils dominaient la Suisse entière. Au bout de quelque temps, ce régime indisposa les populations, qui les chassèrent du gouvernement de ces états. Depuis ce temps, les barons ont changé leurs batteries, et ils essaient de faire du gouvernement fédéral, où ils se sont réfugiés, le centre et l’instrument de leur influence. De fédéralistes passionnés, ils sont devenus centralisateurs résolus, et c’est, il faut le dire, le secours apporté par eux aux révisionistes qui a donné à ces derniers la majorité de l’assemblée fédérale. Pour eux d’ailleurs, la révision tout entière est contenue dans l’article 24 sur la législation des chemins de fer. Ce genre de centralisation n’aurait certes pas été inutile au