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début de la fondation des voies ferrées, quand les cantons pliaient sous le faix des subventions qu’ils avaient été forcés de leur accorder ; elle serait beaucoup moins utile à présent qu’il n’y a plus à créer que des lignes d’intérêt local, et ce n’est vraiment pas la peine de priver ainsi les cantons du dernier fleuron de leur souveraineté.

Une fois entrés dans ce système, les révisionistes sont allés encore plus loin. Nous les voyions tout à l’heure qui appropriaient à la confédération les revenus des cantons ; les voici maintenant qui veulent régenter l’assiette des impôts dans l’intérieur des cantons eux-mêmes. Les articles 32 et 33 du nouveau projet s’attaquent à l’impôt dit ohmgeld, sorte d’octroi établi par plusieurs cantons sur les vins et les spiritueux. Ces ohmgeld ne sont pas absolument interdits, comme le conseillaient quelques novateurs téméraires, car ils forment une des ressources les plus importantes des budgets cantonaux ; mais on ne leur accorde qu’une tolérance provisoire de vingt années, au bout desquelles ils devront être impitoyablement supprimés.

Une autorité qui intervient dans les questions d’impôts ne doit pas hésiter à se faire sentir dans l’éducation populaire. L’article 25 du projet de révision décrète l’obligation pour les cantons de pourvoir à l’instruction primaire, obligatoire et gratuite, tranchant ainsi des questions importantes qui devaient rester du ressort de la législation cantonale. L’obligation existait depuis longtemps en Suisse, mais elle s’y produisait sous diverses formes, particulièrement sous celle d’une rétribution scolaire obligatoire, qui allégeait d’autant les charges des cantons et des communes : c’est donc une dépense nouvelle imposée sans nécessité. Le même article 25 place l’instruction supérieure dans le domaine de la législation fédérale, et donne à la confédération le droit de créer une université fédérale, une école polytechnique et d’autres établissemens d’instruction supérieure. Les centralistes disent avec raison que cette création est le seul moyen qu’il y ait pour la Suisse de retenir chez elle ses savans les plus distingués, ou d’attirer ceux des nations étrangères. Ils y voient surtout un moyen de fondre entre elles les diverses parties de la Suisse en donnant à tous ses enfans une culture uniforme, et de préparer ainsi l’unification du droit civil. L’unité de la législation civile, c’est là en effet le dernier terme et le point culminant de toutes les réformes centralistes. Quand on en sera arrivé à ce point, la centralisation politique sera peut-être encore inachevée ; mais la centralisation sociale, d’où toutes les autres dérivent, pourra être considérée comme un fait accompli. Or le projet de révision préparé par l’assemblée fédérale ne recule pas devant cette