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vote populaire par une majorité de 5,000 voix sur 516,000 votans. La victoire était mince et grandement disputée ; mais, comme elle était inattendue, elle mit le parti fédéraliste en fête. On s’en exagéra volontiers les conséquences, et l’on se plut à considérer comme un échec irrémédiable ce qui n’était aux yeux de tous les hommes clairvoyans qu’un ajournement de quelques mois.


VI

Où est la majorité véritable ? Est-elle du côté des révisionistes ou du côté des fédéralistes ? Question douteuse, même après le plébiscite du 12 mai, et que les dernières élections au conseil national paraissent avoir tranchée cette fois dans le sens de la révision. Les vaincus du 12 mai avaient été surpris, mais non pas découragés de leur échec. Ils n’ont pas perdu un moment pour rassembler et réorganiser leurs forces ; après tout, ils comptaient près de la moitié du peuple suisse, et ils pouvaient attendre le secours du temps. De leur côté, les fédéralistes, sentant eux-mêmes la fragilité de leur victoire, et prévoyant que la révision ne tarderait pas à reparaître, travaillaient à désintéresser l’opinion publique en accomplissant eux-mêmes, par la voie de la législation cantonale, les réformes qu’ils n’avaient pas voulu recevoir des mains de la constitution fédérale. Le canton de Vaud, qui s’était montré l’un des plus ardens contre la révision, décidait, entre autres choses, l’assimilation absolue des Suisses établis aux citoyens du canton pour la participation à l’administration communale ; il décidait également que l’état devait prendre à sa charge et centraliser dans ses mains la plus grande partie de l’équipement militaire. A Lucerne, à Fribourg, dans le Valais, dans les Grisons, même à Zurich et à Berne, des associations se formaient pour stimuler l’esprit réformateur au sein « des législations cantonales. Les fédéralistes espéraient ainsi prendre les devans sur leurs adversaires et enlever tout prétexte sérieux à tout nouvel essai de révision.

Leurs espérances ont été déçues. Les élections au conseil national ont donné une majorité hautement révisioniste. Les conservateurs, qui se sont trouvés en majorité le 12 mai dernier, ne possèdent qu’un tiers du nouveau conseil, puisque sur 135 membres il y en a 90 qui sont favorables à la révision ; au conseil des états, ils gardent leur majorité de 24 voix contre 20. Quand les deux chambres se réunissent en assemblée fédérale, les révisionistes sont encore en majorité, car ils ont 110 voix contre 69. Il est évident que dans ces conditions la révision n’est qu’ajournée, et que, si les