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— C’est une maladresse.

Elle ne répondit rien autre, non plus que Mme d’Hesy. Toutes deux, profondément troublées, cherchaient à se dominer, et n’y parvenaient qu’avec peine.

— Je vous ai fait ma communication ce soir, poursuivit Philippe, parce qu’Elsie l’a voulu et que M. de Reynie doit arriver au premier jour. Il faut bien que, Clotilde et toi, vous vous prépariez à lui dire que je suis digne d’épouser sa fille.

— C’est prochainement, dis-tu, murmura faiblement Clotilde, que M. de Reynie arrive ?

— Oui.

— Eh bien ! mon enfant, dit Mme d’Hesy, nous irons le voir.

— Allons, reprit Philippe, vous voilà toutes bouleversées d’une nouvelle aussi simple. Que je vous embrasse, vous êtes bonnes toutes les deux comme le bon Dieu. Et puis, je vais vous laisser réfléchir à ce que vous direz en ma faveur.

Ce n’était point seulement pour cela que Philippe les quittait. Avec la fougue et la confiance de son âge, il n’avait pas deviné les secrètes agitations de Mme d’Hesy et de Clotilde, et n’avait rien vu au-delà du consentement qu’elles-paraissaient accorder à ses projets. Il courait en porter la bonne nouvelle à Elsie. La jeune fille l’attendait avec impatience, car elle savait la démarche qu’il allait tenter, et l’y avait sollicité.

Tant qu’elle n’avait aimé Philippe qu’avec une heureuse gaîté, dans les plaisirs et dans le monde, et qu’elle n’avait accepté de lui que des soins de prévenance et de galanterie, Elsie s’était estimée sa meilleure gardienne et n’avait eu personne à mettre dans la confidence de l’affection qui s’éveillait en elle; mais depuis qu’elle et lui s’étaient fait l’aveu de leur amour, qu’elle n’avait plus à s’occuper d’elle seule en des joies sans conséquence et sans lendemain, elle s’était sentie un peu aventurée, un peu isolée dans ce pays qui n’était pas le sien, et elle avait eu besoin de sympathie et de protection. C’était auprès de Mme d’Hesy et de sa fille, qui lui étaient déjà chères sans qu’elle les connût, qu’elle avait résolu de venir chercher l’appui qui, pour la première fois, lui semblait nécessaire à sa jeunesse. — Dès demain j’irai chez elles, dit-elle à Philippe.

— Et pourquoi pas ce soir ? répondit-il. Elles sont tout émues de ce que je leur ai dit de vous. Faites-leur cette visite tout de suite. Je leur dirai que je l’ai voulu, afin qu’elles en eussent la surprise et la joie.

— Soit, dit-elle, j’ai un si grand désir de les voir.

Cependant, lorsque Philippe avait été parti, Mme d’Hesy et Clotilde