Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/974

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

première sommation faite, les armées autrichiennes devaient passer en Saxe : maintenant l’armée saxonne a passé au contraire en Bohême ; c’est là qu’il faudra se battre et porter les misères de la guerre. Le seul moyen de réparer les premières fautes commises, c’est de ne pas perdre un instant de plus.

— Mais l’armée n’est pas prête…

— Elle ne le deviendra pas en restant oisive en Bohême ; qu’on la fasse combattre, et elle sera prête. Quant aux offres françaises, — une alliance en échange de la Vénétie, — elles sont inacceptables. Napoléon ne prendrait pas son parti de la suprématie de l’Autriche sur l’Allemagne unie ; ce serait se préparer de nouvelles luttes contre un allié qui n’est pas capable en ce moment d’un grand effort militaire et dont le concours compromettrait la position de la maison de Habsbourg en Allemagne. L’Autriche fût-elle victorieuse avec l’aide des Français, l’Allemagne verrait toujours dans la Prusse une martyre forcée de reculer devant l’ennemi juré de la nation allemande. De cette façon, la Prusse s’assurerait des partisans et recommencerait plus tard avec de nouveaux avantages. Il suffirait d’une alliance française pour que l’Allemagne appartînt à la Prusse. — Ces leçons de Nestor trahissent toute la profondeur des haines de l’Allemagne entière contre la France, haines que l’on a tant niées, que l’on nie encore au lendemain d’une guerre moins impie peut-être, mais non moins cruelle que celle de 1866.

La prétendue tentative de conciliation du roi Guillaume se trouvant n’être qu’un redoublement d’exigences, le roi de Hanovre sort de son imperturbable douceur. Il repousse formellement l’offre d’alliance fondée sur la proposition d’une réforme qui lui enlèverait la plus grande partie de sa souveraineté, puis, après des scènes de famille touchantes, part comme un chevalier du moyen âge, appuyé sur le bras de son fils, ses yeux sans regard levés vers le ciel, qu’il appelle au secours d’une cause juste, et confiant aux citoyens de sa résidence ce qu’il a de plus cher après la patrie, sa noble femme, ses jeunes filles. Les journées qui suivirent appartiennent à l’histoire. Chacun connaît cette marche héroïque de l’armée hanovrienne, qui se termina par la sanglante bataille de Langensalza, et, une capitulation contre laquelle s’indignèrent les braves troupes que leur roi ne voulut pas sacrifier inutilement. Nous négligerons donc un instant la partie politique pour dire quelques mots du double roman d’amour qui s’entrelace aux secrets des cabinets européens et aux mêlées sanglantes des champs de bataille ; il n’est évidemment qu’un hors-d’œuvre dont l’auteur se sert pour relier des événemens qui sans cela ressembleraient parfois aux images incohérentes d’une lanterne magique. C’est avec une sorte de plaisir d’abord que l’on est transporté du cabinet de