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Il se jette une fois pour toutes dans les bras de son bon ange. « Le feu follet a disparu… Maintenant sois-moi propice, belle étoile dont la clarté me sourit si paisible et si douce ! » — L’étoile daigne, sans trop se faire prier, descendre jusqu’à lui, et en même temps qu’il obtient la main de la comtesse Clara, il est nommé officier d’ordonnance du général Gablenz, car dans l’intervalle la guerre a été déclarée ; mais la Balzer est résolue à le reconquérir. En vain M. de Rivero essaie-t-il de la faire renoncer à tout ce qui n’est pas la politique de l’église, en vain cet étrange Rivero et un abbé Rosti, non moins invraisemblable, veulent-ils lui persuader que l’œuvre de sa vie doit être de se dévouer à la conservation du patrimoine de saint Pierre ; elle pense que l’affaire importante pour elle est sa vengeance, et elle emploie les moyens les plus infâmes pour empêcher le mariage de M. de Stielow. Voyant qu’ils échouent devant la confiance et la générosité de la comtesse Clara, devant la ferme résolution de son ancien amant, cette Messaline se joint aux femmes charitables qui s’empressent dans les ambulances improvisées pour l’arrivée à Vienne d’un train de blessés. Là elle trouve moyen de s’approcher de sa rivale, et comme par accident lui pique la main avec ses ciseaux trempés dans le poison d’une blessure en suppuration. Le ridicule de cette tentative de meurtre, qui n’échapperait pas au lecteur français le moins exigeant, n’a pas été senti en Allemagne. Aucune critique ne paraît s’être élevée contre l’aventure des ciseaux empoisonnés ni contre l’intervention du mystérieux Rivero, qui se trouve être médecin fort à propos pour secourir la victime. Cet Italien chimérique, au milieu de ses correspondances et de ses menées occultes, s’érige en vengeur de l’innocence. Il reproche à celle qui a été un instrument dans ses mains tous les crimes de son passé ; il lui déclare qu’il pourrait la livrer à la justice, mais que, faisant partie de la ligue des défenseurs de l’église, il veut lui laisser encore l’occasion d’expier des forfaits épouvantables. Pour cela, elle doit exécuter aveuglément désormais les ordres qui lui seront donnés touchant le service de la sainte cause. L’odieuse créature promet tout ce que veut ce représentant du fanatisme catholique, type de fantaisie d’une incroyable absurdité. Leur entretien terminé, Rivero va froidement annoncer à M. Balzer les desseins qu’il a sur sa femme. Le mari fait bien quelques objections ; toutefois une somme d’argent dont il a besoin le décide à partir sans bruit pour l’Amérique, et Mme Balzer se croit veuve, la nouvelle lui étant annoncée quelques jours après que le chapeau, la redingote et les gants de son digne époux ont été trouvés au bord d’un lac voisin.

Cela se passe de commentaires. Tout ce qu’a pu enfanter le dévergondage d’imagination de nos romanciers de dernier ordre est