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fallait bien se résigner à lâcher prise. Un peu après quatre heures, le général Ducrot s’y décidait non sans peine. Par un contre-temps de plus, lorsqu’il fallut en venir là les conducteurs d’artillerie qu’on avait laissés en arrière s’étaient repliés dans la plaine jusque sous les forts ; il n’y avait plus moyen d’enlever les canons de la redoute, qui sans cela n’auraient point été perdus. Les mitrailleuses furent sauvées avec des chevaux d’officiers ; on encloua avec chagrin les canons qu’on se voyait obligé d’abandonner, et le général en chef quittait la redoute avec tout son monde, notamment avec une compagnie de mobiles d’Ille-et-Vilaine qui était restée auprès de lui jusqu’au bout. Il partait le dernier sans être nullement inquiété. Au moment où il arrivait à Vanves, vers cinq heures et demie, le commandant du fort recevait du gouvernement une dépêche par laquelle on lui demandait s’il n’avait pas de nouvelles de la « personne » du général Ducrot. On n’en savait pas plus que cela ; on croyait l’affaire terminée depuis longtemps lorsqu’elle finissait à peine, lorsque le commandant des opérations revenait du combat ramenant les divisions d’Hugues et de Maussion sous les forts de Vanves et de Montrouge.


IV

C’était la première bataille du siège de Paris. Par elle-même, elle n’avait assurément rien que d’honorable. Il y avait eu, il est vrai, dès le matin un certain désordre, des défaillances de jeunes troupes, cette fuite des zouaves à travers les bois de Clamart que M. Gambetta, en homme d’imagination et préludant à ses bulletins de Tours, prétendait avoir vue à sept heures du matin, du haut des remparts du fort de Bicêtre[1]. En réalité, ces désordres n’avaient été que partiels. D’autres troupes avaient montré de la bonne volonté et de la fidélité au devoir. L’artillerie surtout, l’artillerie, qui avait eu le principal rôle, avait déployé la plus intelligente fermeté, et on n’avait quitté la redoute, à quatre heures, qu’après avoir combattu toute la journée. Les historiens allemands, qui ont attribué la prise de Châtillon à « l’impétuosité bavaroise, » ont oublié d’ajouter que ces « impétueux Bavarois » n’avaient eu à prendre qu’un ouvrage abandonné, et qu’ils n’étaient entrés dans cet ouvrage que quelques heures après le départ du dernier soldat français. Le résultat définitif n’était pas moins d’une triste gravité, puisque dans ce jour de combat on venait de perdre une position

  1. Voyez les procès-verbaux des délibérations du gouvernement de la défense nationale. — Rapport de M. Chaper.