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après l’autre tous les morceaux de fer, et en les vissant à l’aide d’une tige « femelle » correspondante. Mener à bien une telle besogne à tâtons, à 1,140 pieds de profondeur, n’était point facile ; on y réussit cependant, mais cela exigea quinze mois.

On était à 548 mètres malgré d’autres accidens qui auraient découragé un homme moins convaincu que Mulot ; le public continuait à hausser les épaules, lorsque le 26 février 1841, après un labeur de huit années, la sonde tomba tout à coup. Était-ce encore un nouveau malheur, qui cette fois serait peut-être irréparable ? Non ; c’était l’eau qui lentement montait à travers le tube et s’élança toute fumante à une hauteur de 60 pieds. La victoire restait aux prévisions de la science et à la courageuse perspicacité des ingénieurs, La source, à son apparition à la lumière, avait une température exacte de 27°, 67. Ce fut un succès qui dégénéra vite en engouement : tout de suite on se mit à rêver d’eaux thermales, bienfaisantes à toutes maladies ; aux railleries avait succédé un enthousiasme que fort heureusement l’on n’écouta pas, car chacun proposait de nouveaux forages. Un regard solidement construit couvre l’emplacement où la source même a jailli ; l’eau, captée dans une conduite, est dirigée à quelques pas de là au milieu de la place Breteuil, où elle trouve deux tuyaux placés verticalement et dans lesquels elle s’engage pour épuiser sa force d’ascension. Ce château d’eau, tout le monde le connaît ; il est en fonte, s’élève à une hauteur de 43 mètres, est couronné d’une sorte de coupole ornée de trois galeries circulaires à pans coupés, accosté d’un escalier en vrille, et posé sur un large socle de pierres de taille. Avec de grandes prétentions à la légèreté, c’est fort lourd et tout à fait disgracieux ; cela ressemble à ces chefs-d’œuvre de confiserie qu’on appelle des pièces montées.

Lorsque l’on pénètre dans le monument, on reste surpris de voir que les voussures du spacieux caveau qui forme l’intérieur du soubassement sont disjointes, et que le ciment dont on essaie de les relier entre elles ne cache guère l’écartement qui s’est produit. C’est que le vent, lorsqu’il souffle avec violence, fait osciller cet immense tire-bouchon, qui pèse 100,000 kilogrammes, et qu’un tel poids mobilisé suffit à ébranler les bases les plus solides. Cela du reste n’a rien d’inquiétant, et il faudra probablement quelques siècles avant que tout cet échafaudage en fer ne s’abatte par un jour d’orage. Le bassin qui reçoit la source souterraine est à 42 mètres au-dessus du sol. L’eau y arrive belle, limpide, en une large nappe qui ressemble à un immense diamant cabochon. Elle est très agréable au toucher, tiède et comme savonneuse ; mais elle dégage une odeur très accentuée d’hydrogène sulfuré. La vasque qui la reçoit est