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que l’on prend dans l’atelier de M. Bonnat. Un vieux prêtre, un personnage grave en habit de velours, qui est sans doute un haut fonctionnaire, un officier de police en manteau rouge qui met un doigt sur sa bouche, deux alguazils en noir, en manteau de Crispin, s’arrêtent silencieusement devant une porte fermée, guidés par le dénonciateur, qui guette par le trou de la serrure. Cette petite toile a du caractère, et elle mérite d’être remarquée au milieu de la multitude de ses pareilles.

Vraiment la critique ne sait plus à qui entendre dans le déluge de jolis tableaux dont elle est aujourd’hui submergée. C’est M. Fichel avec ses scènes de cour ; c’est M. Plassan avec ses Douze à table ; c’est M. Caraud avec ses mièvreries poudrées ; c’est M. Compte-Calix avec sa Pauvre grand’mère et sa Simple histoire ; c’est M. Bonvin avec son Réfectoire de religieuses, petite toile simple et franche où nous voudrions nous arrêter ; c’est M. Max Claude avec sa délicieuse Causerie, où trois jeunes filles à cheval devisent en cheminant au pas dans une allée du parc, avec des attitudes naturelles et charmantes, des figures rieuses et malignes, des toilettes sobres, élégantes et simples, le tout indiqué du bout d’un pinceau ferme, net et franc autant qu’aimable et spirituel ; ce sont M. de Jonghe avec ses Deux amies, M. Frère et M. Duverger avec leurs scènes d’écoliers en récréation, et tant d’autres dont la nomenclature nous conduirait trop loin. Non, ce n’est pas la jolie marchandise qui manque pour les riches amateurs. Qu’on nous permette, dans cette foule qui va grandissant chaque année, de choisir quelques toiles à peu près au hasard et d’en dire encore quelques mots.

M. Fichel est depuis longtemps passé maître dans le genre costumé historique. Ses petites toiles ont un air de gravité mondaine qui sent la bonne société d’autrefois. Par malheur, il refait à satiété le même tableau, et nous doutons que ceux de cette année ajoutent grand’chose à une réputation aussi bien établie. Les Grandes entrées sont une composition assez vaste qui représente les principaux personnages de la cour stationnant dans l’antichambre du roi. Quoique les groupes soient habilement agencés, cette assemblée banale de grands seigneurs désœuvrés n’a rien qui nous touche, et elle ne respire d’autre sentiment pittoresque que la politesse des cours. L’action de la scène est tout entière dans le maître des cérémonies, qui se présente à la porte du roi entre les deux hallebardiers qui la gardent, et dans le haut personnage qui s’avance fièrement à son appel. Le tableau serait coupé en cet endroit qu’il ne pourrait qu’y gagner. — Le Buffon démontrant l’anatomie comparée dans son cabinet d’histoire naturelle nous présente un certain nombre de personnages bien vêtus, décemment