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égyptienne de ses pertes ; l’autre, occupée à maintenir les communications entre la Morée et Candie, amenait de la Sude à Modon, vers la fin du mois de mai 1826, un convoi de vivres considérable.

On comprend que de pareilles nouvelles, survenant au milieu des délibérations du congrès d’Épidaure, dussent les « simplifier. » Depuis longtemps, le sentiment de cette assemblée se prononçait contre la direction donnée aux opérations militaires ; on espéra mieux d’une nouvelle commission de gouvernement, qu’on choisit parmi les notabilités de la Morée, d’Hydra, de Souli et de la Roumélie. « Tout cela, écrivait l’amiral, n’est qu’une forme vaine qui s’évanouira encore. Il n’y a plus ici en hommes et en argent aucunes ressources virtuelles. »

Les Souliotes et les Rouméliotes étaient arrivés à Nauplie dans les derniers jours du mois de mai 1826. Ils étaient alors en Grèce, suivant l’expression de l’amiral de Rigny, « la seule force réelle et la seule force d’opinion. » Les Souliotes étaient, il est vrai, réduits à 250 hommes, les Rouméliotes à 800 ; mais par un bonheur étrange aucun chef de renom n’avait péri. « le puis vous assurer, écrivait l’amiral à l’ambassadeur, que, s’il y a eu des chefs tués, — et par chefs j’entends ceux qui s’intitulent généraux, c’est-à-dire qui commandent à une centaine d’hommes, — ce ne sont ni Botzaris, ni Zavellas, ni Drako, ni Lambro-Vecchio, car ils sont tous venus déjeuner avec moi avant-hier. » En dehors de cette troupe d’élite, il ne restait plus sous les armes en Grèce que 3,000 hommes, les uns groupés autour de Karaïskaki, les autres attachés à la fortune de Gouras, ou errant avec Nikétas et Colocotroni de crête en crête sans pouvoir arrêter les Égyptiens nulle part. Au milieu de cet affreux désarroi, chacun songeait encore « à se faire son petit lot. » Gouras s’était enfermé dans l’Acropole d’Athènes avec 400 palikares ; Notaras était à Corinthe ; les défenseurs de Missolonghi venaient de s’emparer de la Palamide. Maîtres de ce point culminant, ils n’avaient pas tardé à l’être de toutes les batteries de la ville. Bien que désavoués par leurs chefs, ils avaient déclaré qu’ils ne se dessaisiraient de ce gage que le jour où l’arriéré de leur solde leur aurait été payé. Le gouvernement avait préféré céder la place à la sédition ; il s’était installé sur le petit îlot de Bourgi, rocher circulaire qui s’élève, avec son château vénitien, à la limite des fonds où se termine la rade.

La campagne d’hiver de 1826 avait donc été décisive. Les Grecs se trouvaient renfermés dans les forteresses de Corinthe, de Nauplie et d’Athènes. les Turcs avaient entre leurs mains Patras, Missolonghi, Navarin, Coron et Modon. Ibrahim, revenu dans la plaine de Messène vers la fin de juin, menaçait le Magne. Candie était