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manifester les plus vives sympathies pour la France, et ne se seraient pas refusés à être des intermédiaires de conciliation pour un armistice. Ce qu’ils disaient à Paris était fort peu précis ; ce qu’ils disaient au camp prussien n’aurait guère ressemblé à de la sympathie pour la France, si on en croyait M. de Bismarck parlant de cet incident au maire de Versailles dans sa conversation du 21 octobre. « Des généraux américains sont venus me trouver, disait-il ; ils sont allés à Paris, et, ’lorsqu’ils en sont revenus ; ils m’ont dit : — Il n’y a rien à faire ! .. Ce ne sont pas de vrais républicains, ce sont des fous ou des tyrans. — Je ne veux pas blesser votre patriotisme en vous répétant tous les termes dont ils se sont servis… » Le général Trochu en avait fini de ces allées et venues inutiles d’une façon parfaitement courtoise, mais avec une vivacité toute militaire, qui avait dû en effet laisser peu d’espoir au général Brunside sur le succès de sa mission, plus ou moins volontaire.

Avec M. Thiers, c’était autre chose ; on rentrait dans la réalité, la question prenait un caractère plus sérieux et se précisait. La négociation qui motivait la rentrée momentanée à Paris de l’illustre plénipotentiaire de la France avait été préparée par le voyage qu’il venait d’accomplir, que la ville assiégée avait pu à peine connaître et dont le résultat nous apparaissait subitement. Ce n’est pas que M. Thiers, par l’activité de son patriotisme, par la séduction de son éloquence, eût réussi à secouer ce que M. de Beust appelait « la torpeur de l’Europe. » Il avait fait tout ce qu’il avait pu. En un mois, il avait parcouru le continent ; il avait quitté Londres pour se rendre à Vienne et à Saint-Pétersbourg, puis il avait fait une seconde halte à Vienne, il était allé à Florence pour revenir ensuite à Tours. Partout il avait rencontré l’intérêt le plus vif, les sympathies les plus sérieuses ; il avait été entouré d’égards pour lui-même, pour la France éprouvée qu’il représentait. Malheureusement toutes les politiques étaient engagées. L’Angleterre, inquiète pour l’équilibre du continent, ne voulait cependant à aucun prix se laisser entraîner a quelque acte qui pourrait la compromettre. La Russie, bienveillante de paroles, était dès le premier moment liée à la Prusse, sinon par un traité, du moins par une promesse de neutralité qui trouvait sa garantie dans la déférence de l’empereur Alexandre pour son oncle le roi Guillaume. L’Autriche savait, pour en avoir reçu l’assurance du tsar lui-même, que, si elle remuait un régiment, la Russie en ferait avancer deux, on se servait de cette expression. L’Italie ne pouvait rien, si tout ce monde restait immobile. Une action collective était impossible, ! elle avait échoué tantôt par la réserve méticuleuse de l’Angleterre, tantôt par le refus de la Russie. Des démarches particulières ne pouvaient avoir que peu d’effet, et le dernier espoir se résumait dans ce mot