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exposé directement au feu des batteries ennemies placées à Pont-Iblon sur les collines qui forment la rive droite du petit cours d’eau de la Morée, et de plus il était pris en flanc par les batteries prussiennes de Dugny. Non-seulement le gouverneur n’avait pas eu l’intention d’occuper Le Bourget, qu’il ne croyait pas tenable, mais en outre, ayant ses vues tournées ailleurs, sentant le besoin de pouvoir disposer de toutes ses forces à un moment donné, il avait recommandé une stricte défensive sur tout le front de Saint-Denis. Il avait interdit tout ce qui conduirait à l’occupation fixe des points avancés, lorsque le 28 octobre au matin il apprenait que dans la nuit les francs-tireurs de la presse avaient tenté un coup de main hardi et heureux sur Le Bourget. Vivement engagés, ils avaient été soutenus par de l’infanterie de ligne et le 14e bataillon de mobiles de la Seine, puis par de nouveaux renforts. Bref, Le Bourget restait entre nos mains. C’était l’œuvre du général de Bellemare, qui était à Saint-Denis, un peu impatient de se montrer, de se signaler à l’attention des Parisiens, et qui, après s’être laissé aller à autoriser, à favoriser l’opération des francs-tireurs, avait pris sur lui de la soutenir, pensant bien qu’une fois engagé il ne serait pas abandonné. Le gouverneur de Paris ne laissait pas d’être inquiet : il se trouvait dans cette position critique d’un chef supérieur dont on a dépassé les instructions, mais qui craint d’enlever à de braves gens un poste qu’ils viennent de payer de leur sang, qui se voit réduit à couvrir des opérations hasardeuses pour ne pas dévoiler à toute une ville le décousu de la défense. Il comprenait bien qu’il y avait du danger à persister, que les Prussiens ne se tiendraient pas pour battus, et en effet dès l’après-midi du 28 ils revenaient à la charge, dirigeant contre Le Bourget un véritable bombardement. Le lendemain, nouvelle attaque de l’ennemi, qui était visiblement décidé à ne pas lâcher prise, d’autant plus qu’il se sentait un peu piqué dans son orgueil.

On tenait néanmoins au Bourget, on s’y établissait assez fortement, on se couvrait à la hâte de quelques travaux de défense. Paris s’échauffait assez pour un fait d’armes qui, disait-on, « élargissait le cercle de notre occupation au-delà des forts, donnait de la confiance à nos soldats et augmentait les ressources en légumes pour la population parisienne. » Le 29, le général de Bellemare arrivait au Louvre fort satisfait de lui-même, s’efforçant de tranquilliser le gouverneur sur les suites de son entreprise, demandant seulement de l’artillerie pour se défendre. On aurait peut-être pu profiter du petit succès qu’on avait eu le 28, qu’on avait maintenu le 29, pour se dégager honorablement et rentrer dans nos lignes ; mais c’était toujours avoir l’air de désavouer une opération hardie devant une population qui trouvait déjà qu’on n’agissait pas assez. Le