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que dans les ressources qu’elle avait accumulées auparavant. Par conséquent on peut dire que le chiffre de 2 milliards ne représente pas encore exactement l’épargne annuelle de notre pays, qui doit être plus considérable. On peut en juger par ce simple rapprochement avec l’Angleterre : celle-ci, avec un commerce extérieur qui est de 12 à 13 milliards, réalise, croit-on, une économie annuelle de près de 5 milliards. Notre commerce extérieur à nous dépasse 8 milliards; à ce compte, nous devrions faire une économie de plus de 3 milliards. Ce chiffre est d’autant plus probable que, suivant l’observation très juste de Robert Peel, la France, à richesse égale, est plus économe que l’Angleterre.

Cependant cette économie annuelle de 3 milliards, qui pouvait être celle d’avant la guerre, a-t-elle continué depuis? Il y a tout lieu de le supposer. Notre pays a beau se trouver en proie aux révolutions politiques, n’avoir pas de lendemain assuré, être déchiré par les partis qui se disputent le pouvoir, il n’en conserve pas moins une virtualité économique et industrielle qui résiste à tout. On peut même dire qu’à force de subir des révolutions il finit par s’y habituer et ne plus s’en trop émouvoir; il compte sur la Providence ou sur la force des choses pour tout remettre en ordre. On ne peut expliquer que par cette raison la différence qu’il y a entre notre situation d’aujourd’hui et celle qui a suivi la révolution de février. Nous avons, certainement beaucoup plus de capitaux qu’alors, nous sommes mieux outillés industriellement, nos relations avec le dehors sont mieux établies; mais tout cela ne suffirait pas pour maintenir notre activité commerciale au degré où elle est, s’il n’y avait pas aussi un changement considérable dans la disposition de notre esprit, dans la façon dont nous envisageons les événemens. En 1848, nous n’avions perdu qu’un trône, la société était debout tout entière avec ses intérêts et ses instincts conservateurs, — les élections qui ont suivi l’ont bien prouvé, — et pourtant, comme il y avait un inconnu dans l’avenir, et que l’on commençait à prononcer les premiers mots de socialisme, les esprits furent effrayés, et les affaires ne purent pas reprendre tant que dura la période révolutionnaire. Aujourd’hui nous sommes au lendemain de la guerre la plus désastreuse que la France ait jamais subie et d’une insurrection formidable, les étrangers occupent encore notre sol ou tout au moins ils l’occupaient hier, nous avons une rançon énorme à payer, plus que jamais on vit dans l’inconnu, le radicalisme est menaçant, néanmoins on travaille quand même, et si les affaires n’ont pas tout l’essor qu’elles pourraient avoir, elles se tiennent encore à un niveau assez élevé qui nous a donné les moyens de faire face à toutes nos charges.

En 1872, d’après les états de douane, le commerce extérieur et