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spécial de la France a été de 3 milliards 447 millions à l’importation contre 3 milliards 303 millions en 1868, et de 3 milliards 679 millions à l’exportation contre 3 milliards 74 millions en 1869; c’est une augmentation totale de près de 750 millions. Il est donc vrai que notre activité commerciale ne s’est pas ralentie malgré nos désastres, et que nous devons faire aujourd’hui les mêmes épargnes qu’en 1868 et 1869. Or, en supposant que cette activité ait été la même depuis la fin de la guerre, c’est-à-dire depuis deux ans, nous aurions déjà gagné de quoi payer notre indemnité, sans entamer notre capital social tel qu’il était en 1870. Pourtant ce n’est là qu’un côté de la question. Il fallait, avons-nous dit, payer la rançon en espèces métalliques ou valeurs équivalentes; or comment trouver chez nous 5 milliards de numéraire à transférer au dehors? C’était à peu près l’équivalent de notre stock métallique. Si on l’épuisait, une crise financière formidable était à craindre, et d’ailleurs quel moyen pratique avait-on de réaliser ces 5 milliards, et de les faire sortir de la bourse de chacun de nous ? Il y avait là au début un problème qui paraissait des plus redoutables, et beaucoup de financiers des plus compétens ne croyaient pas à la possibilité de le résoudre en deux ans; c’est ce qui avait porté le gouvernement à demander, par le traité de Francfort conclu en 1872, un an de plus pour le dernier milliard, dans le cas où nous n’aurions pas pu le payer avant le printemps de 1874, — et il arrive que, loin d’avoir eu besoin d’un an de plus, nous avons encore abrégé le premier délai. En septembre de l’année 1873, tout sera soldé et en numéraire, sans que notre pays ait épuisé sa réserve métallique, sans même que nous ayons eu de crise financière sérieuse. Celle qui a éclaté tout d’abord à l’automne de 1872, après l’emprunt de 2 milliards, et qui a coïncidé avec les premiers paiemens de l’indemnité, n’avait rien de grave; elle a été causée plutôt par de mauvaises mesures administratives que par des difficultés tenant au fond de la situation. Il est certain toutefois qu’en avançant dans le paiement de l’indemnité nous avons éprouvé moins d’embarras, et qu’aujourd’hui, à la veille de l’avoir soldée tout entière, le change nous est redevenu favorable, l’or n’a plus qu’une prime insignifiante. Comment a donc pu se résoudre le problème?

Il a été résolu de trois manières : 1° par les échanges commerciaux, 2° par les créances de toute nature que nous avions sur l’étranger, et qui consistaient principalement en titres d’emprunts et en actions et obligations d’entreprises industrielles, 3° enfin par le grand crédit dont nous jouissons en Europe, et qui nous a permis de faire appel aux capitaux du dehors. C’est avec ces trois élémens-là que nous sommes parvenus à si court terme à payer les 5 milliards sans qu’il y ait eu de trouble financier, et même, chose