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comparaison avec les nôtres. Les travaux furent commencés en 1855; mais ce fut seulement à partir de 1857 que l’on entreprit l’exécution d’un plan scientifique longuement étudié, sagement conçu, disposé selon la topographie du sol parisien, et destiné à glisser sous la ville un réseau d’assainissement qui la débarrassât presqu’à son insu de toutes ses impuretés. C’est le plus immense drainage qui existe, car pour 850,000 mètres de voies publiques nous possédons 772,846 mètres d’égouts, dont 146,878 mètres représentent des embranchemens réservés au service de maisons particulières.

Nos canaux souterrains sont divisés en deux catégories parfaitement distinctes, les égouts et les collecteurs. Les égouts passent sous nos rues, en recueillent les eaux souillées et les conduisent dans les collecteurs, qui les emportent au loin. Les égouts sont des rivières qui se jettent dans les collecteurs, qui sont des fleuves. On peut comparer l’ensemble à un squelette de poisson : l’épine dorsale, c’est le collecteur, les arêtes qui s’y emmanchent sont les égouts. On a construit les collecteurs dans les vallées qui traversent le terrain où Paris est assis, afin qu’ils puissent recevoir, par une pente naturelle, les eaux écoulées des coteaux. On en compte trois principaux. Sur la rive droite, le collecteur départemental, prenant naissance au point d’intersection de la rue Oberkampf et de la chaussée de Menilmontant, passe sous les anciens boulevards extérieurs et sous la route d’Allemagne; le trajet en est brisé par trois coudes successifs qui l’aident à franchir le bassin de La Villette et les fortifications, lui font suivre la grande route de Saint-Denis et le conduisent à la Seine, où il se déverse à la hauteur de l’île Saint-Ouen. Il reçoit des eaux particulièrement infectées, car elles lui viennent du marché aux bestiaux, des abattoirs, des usines à gaz, de tous les établissemens industriels de La Villette, de Montmartre, de Belleville, de Saint-Denis, et même le trop-plein de la voirie de Bondy. — Le grand collecteur de la rive droite part du bassin de l’Arsenal, suit les quais, s’engage sous la rue Royale, le boulevard et la rue Malesherbes, et suit la route d’Asnières jusqu’à la Seine, où il se perd à droite du pont du chemin de fer. Place du Châtelet, il est grossi par le gros écoulement de la galerie Sébastopol; place de la Concorde, il reçoit l’affluent de l’égout Rivoli, qui lui arrive directement de la Bastille après avoir drainé tous les quartiers traversés; place de la Madeleine, il absorbe le grand égout des Petits-Champs[1], et sur le boulevard Malesherbes,

  1. Cet égout a une extrême importance. Il part de la place des Victoires, suit la rue des Petits-Champs, la rue et le boulevard des Capucines. C’est une sorte de collecteur, car il dégage l’égout Richelieu, qui, avant ces diverses constructions, était singulièrement dangereux : à la moindre pluie, il s’engorgeait. Peu de temps avant l’ouverture des travaux de l’égout des Petits-Champs, six ouvriers y furent surpris par un orage; l’eau monta avec une rapidité extraordinaire. Les six malheureux se prirent par la main et marchèrent contre le courant qui les baignait au visage; cinq purent atteindre une galerie plus élevée; le sixième, battu par le flot, lâcha prise; le lendemain, son cadavre fut retrouvé en Seine, où l’égout l’avait porté. C’est pour éviter que de tels accidens ne se produisent qu’on a tracé la galerie qui dessert la vallée creusée entre la butte des Moulins et la levée des boulevards.