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ouvrir des enquêtes, interroger les délibérations de la justice, mettre en présence le gouvernement d’hier et le gouvernement d’aujourd’hui, pour en arriver à engager dans de tels débats des responsabilités sous lesquelles on essayait d’abriter M. Ranc. C’est tout cela qui constituait de la politique bien plus qu’une simple autorisation de poursuites, qui ne préjuge rien, qui ne compromet rien, qui veut dire tout au plus que pour un ancien membre de la commune il n’y a aucun privilège, qui peut signifier aussi que M. Ranc eût peut-être prudemment agi en faisant moins parler de lui, en évitant de faire de sa personne une sorte de défi pour la justice et pour l’assemblée.

Le mérite de cette discussion est d’avoir été courte, de s’être maintenue dans des limites où il ne s’agissait après tout que d’en finir avec les confusions et les exagérations dont on s’était plu depuis quelque temps à entourer une affaire, d’une médiocre importance en elle-même, qui ne relève que de la justice. Une autre question bien autrement sérieuse, bien autrement délicate, est celle qui s’est élevée à l’occasion de ce qu’on appelle les enterremens civils. Le nouveau préfet de Lyon, qui a certes fort à faire pour remettre un ordre complet dans cette populeuse, intelligente et industrieuse ville, M. le préfet Ducros a pris peu après son arrivée un arrêté ayant pour objet de réglementer les enterremens qui se font sans aucun cérémonial religieux, en un mot les enterremens civils. Il a décidé notamment deux choses : les déclarations de décès faites à l’état civil devront être accompagnées d’une déclaration supplémentaire faisant connaître le genre de sépulture qu’on entend donner au mort, et de plus les enterremens qui n’auront aucun caractère religieux devront se faire à une certaine heure très matinale. L’intention est évidente, on a voulu décourager ou éviter les cortèges bruyans, les démonstrations, les manifestations dont les enterremens civils deviennent depuis quelque temps l’occasion. Par une coïncidence singulière, au moment où paraissait à Lyon l’arrêté de M. le préfet du Rhône, un incident se passait à Versailles. Un député est mort ; le bureau et une délégation de l’assemblée se sont rendus aux obsèques ; le gouvernement de son côté, pour se conformer à la loi qui règle les honneurs funèbres qu’on doit rendre aux dignitaires de l’état, a envoyé un détachement de cuirassiers. Quand on s’est aperçu qu’il n’y avait aucune cérémonie religieuse, qu’on allait à un enterrement civil, la délégation parlementaire s’est retirée, les cuirassiers ont suivi le bureau de l’assemblée, et le mort a été conduit directement au cimetière, accompagné par ses amis, qui ont fait des discours comme ils l’ont entendu, non sans faire allusion, et même une allusion amère, à ce qui venait de se passer. De l’incident de Versailles et de l’arrêté de M. le préfet Ducros est née une interpellation portée à la tribune par M. Le Royer, député de Lyon, qui l’a développée non sans talent, non sans passion en même temps, mais avec un respect de la foi religieuse et une modéra-