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s’exprimait dans le vieux droit germain le principe fondamental du droit de succession pour les héritiers légitimes. La manière dont le code civil a établi soit la relation du mari à la femme, soit la puissance paternelle, leur paraît procéder non pas de la dure potestas romaine, mais du mundium barbare, droit de simple protection fondé sur les sentimens affectueux et les devoirs réciproques des parens. Ils voient, particulièrement parmi les dispositions de notre droit français sur l’organisation de la société conjugale, quelques-uns des traits le plus essentiellement germaniques. C’est ce qu’on peut dire sans doute de la communauté des biens dans le mariage. Chacun sait que ce régime est adopté aujourd’hui par la loi française comme la règle ordinaire, bien que certaines provinces de la France méridionale, anciens pays de droit écrit, y opposent encore le régime dotal. Nul doute que ce dernier système, en séparant les biens des époux, en les affranchissant de toute solidarité, n’institue entre eux une sorte de défiance, tandis que la communauté au contraire, en instituant la solidarité des biens comme des personnes, répond naturellement à ce que doit être en tout l’intime union du mariage. Or les juristes s’accordent à reconnaître l’origine romaine du régime dotal et l’origine germanique de la communauté. Tacite dans son admirable peinture du mariage barbare, qu’on ne saurait taxer d’exagération, pour certains traits du moins traduits plus tard en institutions séculaires, a dit que l’épouse se donnait au mari pour être la compagne de ses travaux et de ses dangers, laborum periculorumque sociam ; il est bien remarquable que les lois barbares et beaucoup d’actes du moyen âge emploient une formule presque identique pour stipuler en faveur de la veuve, en rappelant sa collaboration avec le mari, une part des acquêts : un tiers suivant la loi ripuaire et peut-être aussi suivant la loi salique, la moitié chez les Saxons westphaliens; d’après la loi des Visigoths, la veuve ou ses héritiers devaient recevoir une quote-part des acquêts proportionnée aux biens apportés par elle. Le droit romain ne connaît rien de semblable, croyons-nous.

Outre la communauté des biens entre époux, il est une autre institution des temps modernes dont il semble qu’on puisse faire remonter certaines origines jusqu’ aux premières inspirations du génie germanique : c’est le jury. Il faut toutefois s’entendre sur ce qu’on désigne par ce nom, souvent appliqué à des formes diverses. L’institution du jury, considérée dans son entier développement, se compose de plusieurs élémens principaux. C’est avant tout un jugement dans lequel interviennent les pairs de l’accusé ou des parties, afin de substituer à la sévérité rigoureuse d’un magistrat préoccupé d’habitudes juridiques et professionnelles l’équitable sentence