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=d’hommes de la même condition, de la même contrée, animés des mêmes passions, sujets aux mêmes craintes et aux mêmes vœux. Un second élément principal du jury, et qui se montre nécessairement quad le progrès social entraine une administration judiciaire plus savante et plus complexe, c’est la distinction du point de fait et du point de droit, avec l’intervention d’un ou de plusieurs juges adjoints aux jurés. A ceux-ci, avec leur expérience, des conditions qui s’imposent à chacun de leurs concitoyens, avec leur sentiment de sympathie ou de vindicte loyale, avec leur appréciation des circonstances, de décider si tel dommage ou tel crime a été réellement commis. Aux juges, qui ont fait une étude attentive de la loi, qui connaissent ses réserves, ses exceptions, ses amendemens successifs, d’en appliquer les dispositions aux cas déterminés. D’autres élémens du jury seraient encore : le serment, auquel il doit son nom; le droit de récusation, au prix duquel les parties sont réputées avoir accepté leurs juges; ajoutons les témoins, l’accusateur et les défenseurs, ou bien les avocats de part et d’autre, et nous aurons avec ses divers élémens, tout l’ensemble de l’institution moderne. Sans doute il n’est pas besoin, pour qu’on reconnaisse l’institution même, de l’entière réunion des élémens que nous venons d’énumérer; aussi peut-on la retrouver en une certaine mesure parmi de très diverses civilisations, dans l’antiquité ou dans les temps modernes. Toute la question, pour nous, est de savoir si le génie germanique, qu’on accuse d’inertie et de stérilité absolues, s’est en effet montré, sur ce point en particulier, incapable de toute invention, ou s’il n’a pas au contraire pratiqué de bonne heure pour son compte, en dehors de toute influence étrangère, l’institution du jury presque dans son intégralité. C’est là une forme si naturelle de l’administration de la justice que toute civilisation douée de quelque force vive a dû la rencontrer. L’ancienne Athènes, avec son grand tribunal des héliastes, offre assurément une certaine sorte de jury. Dans la législation romaine, quand le prêteur désigne pour une cause un judex privatus, lui mandant de décider après examen si telle partie est coupable, ajoutant la mission de condamner ou d’absoudre, celui-ci est un vrai juré qui décide et le point de fait et le point de droit. Si cependant l’antiquité classique a en partie connu l’institution du jury, ç’a été pour la laisser dépérir entre ses mains. On la voit s’effacer pendant la période impériale, et, sous le règne de Dioclétien, la dernière trace en disparaît lorsqu’est détruite la procédure formulaire. Elle n’a fait au contraire que se développer et grandir avec le génie germanique.

Quelles en sont les traces chez les peuples barbares qui figurent dans l’invasion? Tacite lui-même nous dit que l’assemblée natio-