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plumes de l’ange Gabriel et des garnitures de la robe de notre mère la sainte église ; elle passa à l’état de relique. L’administration du Muséum l’a lait mettre sous verre, et tout le monde y croit, excepté ceux qui en savent l’histoire.

Voilà pour la partie légendaire ; mais après avoir rétabli la vérité des faits en ce qui touche la présence des haches de pierre et d’ossemens humains dans les terrains diluviens de la Somme, ou de ceux qui à tort ou à raison sont regardés comme tels, nous devons ajouter que M. de Perthes n’en a pas moins rendu à la science le plus signalé service. Le premier parmi les collectionneurs de l’Europe, il a formé un incomparable musée d’objets appartenant à l’industrie primitive; il a provoqué dans le monde savant un mouvement d’études, qui se rattache à l’une des plus grandes questions que puissent aborder l’histoire et la philosophie, l’époque de l’apparition de l’homme sur la terre. À ce titre, il appartient à la grande famille des initiateurs, et son nom ne périra pas.

Par une de ces libéralités qui étaient dans son caractère, M. de Perthes a voulu que le musée qu’il avait formé avec tant de peine et à si grands frais devînt l’inaliénable propriété de la cité où il avait passé une partie de sa vie; il le lui a légué par testament, ainsi que l’hôtel où il était établi, à la condition expresse que les choses resteraient pendant cent ans dans le même état qu’au jour de sa mort, et les touristes, qui ne manquent jamais de le visiter à leur passage à Abbeville, s’accordent tous à dire qu’ils n’ont rencontré nulle part dans nos départemens une galerie particulière plus variée et plus pittoresque. Tous les appartemens depuis le rez-de-chaussée jusqu’au grenier, depuis le salon jusqu’aux recoins les plus obscurs, sont garnis de bas-reliefs, de sculptures sur bois, de meubles du moyen âge, de statues, d’armes de toutes les époques, de reliquaires, de poteries romaines, gallo-romaines, du moyen âge et de la renaissance, de tableaux, d’outils et d’instrumens divers; on y trouve de tout, comme dans les œuvres du fondateur, et si parmi les tableaux il se rencontre bon nombre de toiles au-dessous du médiocre, et parmi les objets archéologiques des bibelots sans valeur, il en est aussi beaucoup d’autres, en très grande majorité, qui seraient placés au premier rang dans les collections publiques de la capitale. Ce qui fait surtout la valeur du musée de Perthes, ce sont les vitrines renfermant les monumens de l’âge de pierre, monumens parfaitement authentiques cette fois, parce que la plupart d’entre eux ont été réunis avant la recherche de l’homme fossile. Une certaine partie de cette collection a été donnée au musée de Saint-Germain, mais ce qui reste à Abbeville forme encore un ensemble unique en son genre. A l’exception des haches de