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être complètement abandonné, quand les recherches du baron de Lenk, en Autriche, et celles de M. Abel, en Angleterre, vinrent le recommander, par des motifs nouveaux et sérieux, à l’attention des ingénieurs. M. de Lenk donna des moyens pour le fabriquer avec moins de danger, le purifier avec plus de succès, et l’employer avec plus de sûreté. Il fit façonner le fulmi-coton en forme de corde compacte, perforée au centre et pouvant aisément se couper pour les besoins des mines. De nombreuses expériences, exécutées en Autriche avec ce fulmi-coton perfectionné, en établirent la supériorité sur la poudre ordinaire à volume égal, sans compter l’avantage qu’il a de brûler sans fumée et de ne laisser aucun résidu. Quelques années après, M. Abel introduisit, dans cette industrie, un progrès décisif en réduisant en pulpe les fibres du fulmi-coton et en convertissant cette pulpe, par une compression énergique, en masses homogènes et compactes, d’une densité presque double de celle de la corde.

Presque toutes les explosions de fulmi-coton ont eu pour cause la décomposition spontanée de ce corps par suite de réactions intérieures dont la nature n’est pas encore connue, et qu’il était par conséquent impossible de prévoir et de prévenir. Parmi les accidens survenus dans ces conditions, on cite notamment celui qui, le 14 juillet 1847, fit sauter la poudrerie du Bouchet, près Corbeil. On y avait préparé 1,600 kilogrammes de fulmi-coton, que quatre ouvriers étaient occupés à enfermer dans des barils, lorsque le magasin sauta. Les ouvriers furent tués. Le bâtiment, dont les murs avaient 50 centimètres et 1 mètre d’épaisseur, fut détruit de fond en comble, et le sol creusé sur une grande étendue à plus de 4 mètres de profondeur. Les douves et les cercles des barils avaient complètement disparu. Cent soixante-quatre arbres situés aux environs étaient emportés ou coupés, les uns au niveau du sol, les autres à diverses hauteurs; les plus voisins étaient dépouillés de leur écorce et divisés jusqu’aux racines en longs filamens. Jusqu’à 300 mètres, on retrouva des débris. Déjà l’année précédente, la manufacture de Darpfort, en Angleterre, qui fabriquait du fulmi-coton pour le concessionnaire de Schœnbein, avait sauté en entraînant la mort de 24 personnes.

L’emploi du fulmi-coton dans l’artillerie, complètement repoussé par l’administration de la guerre en France et en Angleterre, fit naître plus d’espérances favorables en Autriche. Les expériences du baron de Lenk décidèrent la construction de canons appropriés à l’usage de l’agent nouveau, et en 1855 l’artillerie autrichienne possédait cinq batteries à fulmi-coton, bien équipées et prêtes à entrer en campagne. Cependant, et probablement par suite de