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Port-Vendres à la frontière espagnole, à travers les schistes des Albères, l’entrepreneur, sur le vu des sondages faits avant l’adjudication par les ingénieurs de la compagnie, avait consenti, sur les prix de base, un rabais considérable. Ayant rencontré des roches plus dures et d’un travail plus difficile que les sondages ne l’avaient fait prévoir, il fut sur le point d’abandonner l’œuvre en réclamant des indemnités, lorsque l’emploi de la dynamite vint changer complètement les conditions du travail.

Cette facilité avec laquelle la dynamite disloque et brise la roche dure réserve un nouvel avenir à beaucoup de gisemens métalliques, délaissés jusqu’ici par suite des frais exorbitans de main-d’œuvre qu’ils exigeaient. M. Dumas et M. Henri Sainte-Claire Deville ont signalé l’importance qu’il y aurait, pour le développement de la métallurgie française, à entreprendre avec la poudre Nobel l’exploitation de bien des gîtes métallifères, et en particulier des riches mines d’étain découvertes récemment par M. Moissenet dans la Lozère. Une autre perte que la dynamite permettra d’éviter est celle des énormes blocs de fonte hors de service, tels que loups, chabottes de marteau-pilon, gros cylindres de laminoirs, que l’on était obligé de mettre au rebut, vu le prix de la main-d’œuvre nécessaire pour les utiliser. Rien de plus aisé aujourd’hui que de les réduire en fragmens susceptibles d’être déplacés et soumis à la refonte. M. Champion a déterminé dans une usine de Maubeuge la rupture d’une chabotte de marteau-pilon, pesant 5,000 kilogrammes, avec 150 grammes de dynamite.

Dans le courant du mois de janvier 1872, M. Paul Barbe, officier d’artillerie, et M. Brull, ingénieur civil, firent au fort de Mont-rouge, en présence de l’empereur du Brésil, une série d’expériences qui achevèrent de démontrer l’énergie et les avantages divers de la dynamite. Un bloc cubique de fer forgé pesant près de 300 kilogrammes fut percé d’un petit trou dans lequel on introduisit environ 100 grammes de dynamite. Après l’explosion, le trou était fort agrandi, et quatre fissures existaient dans la masse. Le trou fut rempli à nouveau de dynamite, et la seconde explosion détermina la rupture du bloc en six morceaux, dont l’un fut projeté à 20 mètres de distance. Un tonneau cerclé de fer, de 2 hectolitres de contenance, placé debout et rempli d’eau, fut percé à sa partie supérieure d’une ouverture carrée dans laquelle on introduisit un paquet de quatre cartouches de dynamite munies de mèches. Après l’explosion, on ne retrouva plus trace du tonneau ; à la place où il reposait s’était formé un entonnoir de 40 centimètres de profondeur. Des arbres énormes furent ensuite coupés, des murs en pierre meulière abattus, des rails et des plaques de fer forgé brisés en plu-