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mosphères; les vents comprimés se révoltent et brisent les portes de leur prison, en chassant devant eux l’obstacle qui ferme l’issue. D’après la composition des gaz de la poudre, on voit que c’est en grande partie à l’acide carbonique qu’est due l’explosion. C’est le même gaz qui chasse violemment le bouchon d’une bouteille d’eau de Seltz, et l’on sait que ce léger projectile peut blesser, si le vase a été préalablement chauffé : c’est un vrai coup de canon en miniature. Pour se faire une idée de ce que représentent 5,000 atmosphères, il faut se rappeler que le poids dont l’atmosphère pèse sur tous les corps est d’un kilogramme sur chaque centimètre carré, — de 10,000 kilogr. sur 1 mètre carré. Or l’ouragan dans toute sa fureur ne produit qu’une pression de 283 kilogrammes sur la même surface, — à peine un trente-sixième d’atmosphère. La pression que supporte dans les premiers instans un boulet de canon, et qui le met en branle, surpasse donc jusqu’à 200,000 fois la violence de l’ouragan qui renverse des maisons et déracine les arbres.

Comment connaître la véritable température de la combustion qui déchaîne cette tempête? Pour s’enflammer, la poudre n’a besoin que d’une chaleur modérée, — 500 degrés tout au plus; mais son ardente haleine fait fondre le zinc, le cuivre jaune, les monnaies de billon et même le cuivre rouge; l’âme des pièces de bronze semble parfois se liquéfier dans un tir très vif et prolongé. Tout cela prouve qu’il doit se produire pendant quelques instans au moins une température voisine de 2,500 degrés. La mesurer directement est à peu près impossible; il faut la conclure de la quantité de chaleur cédée au milieu ambiant. M. Bunsen a fait à ce sujet en 1857 des expériences très précises avec l’assistance d’un jeune chimiste russe, M. Schischkof, D’après ces expérimentateurs, un kilogramme de poudre dégage en brûlant 620 calories, — de quoi échauffer de 620 degrés 1 litre d’eau, — et comme les gaz considérés absorbent cinq ou six fois moins de chaleur qu’un même poids d’eau pour s’échauffer autant, les 020 calories suffisent pour en élever la température à plus de 3,000 degrés.

Nous avons vu qu’il en résulte une tension de 4,000 ou 5,000 atmosphères, si les gaz sont confinés dans un espace plus petit que le volume de la cartouche[1]. Cette pression se produit en un clin d’œil, pendant le court instant où la poudre s’enflamme et se con-

  1. Ces chiffres ne sont que des à-peu-près, car rien ne prouve que les lois physiques sur lesquelles se fonde le calcul restent applicables à des températures si élevées et à des pressions si exceptionnelles. La loi de Mariette notamment doit être en défaut pour ces pressions. En outre, les phénomènes de dissociation viennent compliquer les raisonnemens fondés sur la nature des produits de la combustion.