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c’est que le chlorate de potasse ajouté à d’autres matières explosives a pour effet d’en doubler la chaleur de combustion; au point de vue de l’énergie, le résultat est moins frappant, parce que l’addition du chlorate diminue le volume des gaz dégagés. Néanmoins ces chiffres confirment les avantages que la pratique assigne à la nouvelle poudre formée de picrate et de chlorate à poids égaux.

Le fulmi-coton développe à peine autant de chaleur que la poudre; en revanche, il dégage une si grande quantité de gaz que son énergie initiale devient plus que triple de celle de la poudre. Dans les armes à feu, il faut une charge double de poudre ordinaire pour obtenir le même effet qu’avec le fulmi-coton; mais nous avons déjà vu que les propriétés brisantes de cet agent le rendent peu propre aux usages de l’artillerie. Quanta la nitroglycérine, si elle n’était pas si dangereuse, ce serait la force portative idéale, car elle brûle complètement, sans résidu, étant par elle-même très riche en oxygène, — elle développe deux fois plus de chaleur que la poudre, trois fois et demi plus de gaz, et sept fois plus d’énergie explosive, à poids égal; sous le même volume, elle aurait douze fois plus d’énergie. Il n’y a qu’un seul corps qui, d’après M. Berthelot, la surpasse en puissance théorique : c’est le protoxyde d’azote liquide, associé avec de l’éther ou d’autres carbures liquéfiés; ces mélanges fourniraient jusqu’à 1,400 calories, et leur énergie s’exprime par le nombre 1,000. Toutefois il paraît difficile d’obtenir l’explosion instantanée de semblables mélanges formés par des gaz liquéfiés.

Les mélanges gazeux détonans développent beaucoup plus de chaleur que les composés solides ou liquides : l’hydrogène et l’oxygène, en produisant 1 kilogramme de vapeur d’eau, dégagent 3,280 calories; les vapeurs d’éther ou de benzine en fournissent 2,400. Néanmoins on ne peut en faire usage dans la pratique, parce que les gaz changent à peine de volume en se combinant, et ne développent par conséquent que des pressions relativement faibles, 10 ou 20 atmosphères, — malgré la haute température de la combustion. Pour les employer, il faudrait d’abord les comprimer fortement, et les conserver dans des vases hermétiquement clos. Aussi a-t-on renoncé à rien attendre de ce côté.

On peut se demander maintenant quelle est l’importance du rôle que l’avenir réserve à ces sortes d’inventions, soit dans l’art de la guerre, soit dans celui de l’ingénieur. L’artillerie, dans le ours de cinq siècles, s’est laborieusement développée en vue d’utiliser les