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II.

Si maintenant, du milieu de ces réformes législatives accomplies dans l’intérêt des ouvriers, on veut dégager ce qui appartient à juste titre aux Allemands, c’est M. Schultze-Delitsch que d’abord on rencontre, un homme de bien et un esprit porté aux découvertes. Il n’y a plus à rappeler celle qui a honoré son nom, les Genossenschaften, sortes de banques de prêt ou de sociétés coopératives qui ont fait le tour des provinces allemandes ; M. Schultze-Delitsch est sur la voie d’une autre fondation, les Gewerkvereine, qui seraient pour l’empire d’Allemagne l’équivalent des trades unions, et prendraient ainsi une consistance légale. Le Reichstag en a été saisi, et a nommé une commission pour l’examen du projet, ; la conférence d’Eisenach s’en est également occupée. La commission du Reichstag en adopte les dispositions principales ; un seul changement a été demandé, le même qui a partagé la commission de la chambre des communes : c’est celui qui interdit aux trades-unions de consacrer aux grèves les fonds rassemblés dans un autre dessein. En revanche, la conférence d’Eisenach a maintenu la rédaction de M. Schultze-Delitsch. Il convient d’ajouter qu’en dernier lieu le parlement anglais est revenu sur cette clause, à cause des difficultés de l’exécution.

Un autre point sur lequel l’attention du Reichstag a dû se porter est l’arrangement amiable des grèves. Diverses combinaisons ont été mises en avant : les unes reposent sur une participation aux profits, les autres sur un arbitrage dans des conditions déterminées. L’arbitrage est surtout en faveur auprès des députés, et la conférence d’Eisenach a dû faire une grande place à ce grave sujet. Parmi les combinaisons qui ont obtenu le plus d’accueil est celle qui constituerait une sorte de conseil mixte composé en nombre égal d’ouvriers et de patrons, et départagés par un président désintéressé dans ces questions, mais investi d’une magistrature locale. À ces conditions, la sentence rendue devrait obliger les contendans. Le choix des arbitres ne se ferait pas d’ailleurs indistinctement et au hasard : pour les patrons comme pour les ouvriers, il y aurait des élections de corps, et les pouvoirs devraient être renouvelés chaque année. Les parties engagées dans le différend pourraient en outre exercer des récusations limitées en nombre et sérieusement motivées. On aurait ainsi de véritables tribunaux, fondés à rendre leurs décisions exécutoires toutes les fois que leur arbitrage aurait été accepté par le fait de la délégation qui les constitue. Il serait à désirer qu’un de ces projets aboutît à une sanction définitive ; aucun intérêt n’est plus urgent que cette