Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre d’exceptions que le gouvernement avait de la peine à faire admettre. Depuis deux ans, l’expérience s’est faite, et les partisans des idées de décentralisation se sont visiblement refroidis, peut-être, s’ils l’osaient, ils seraient tout près de s’avouer convertis ; mais quoi ! on se souvient encore qu’il y a deux ans à peine M. Thiers était obligé de menacer l’assemblée de sa démission, si on ne laissait pas au gouvernement tout au moins le droit de nommer les maires dans les grandes villes. Revenir tout à coup aux idées de M. Thiers après les avoir si vivement combattues, se désavouer à si peu de distance, c’était un peu dur. Que faire ? On a tourné tant qu’on a pu autour de la question. Fallait-il se décider tout simplement à rendre au pouvoir central le droit de nommer les maires ? Ne valait-il pas mieux décomposer les attributions municipales de façon à ne laisser au maire qu’un rôle tout local passablement restreint et assez insignifiant ? Le gouvernement, pour sortir d’embarras, n’a trouvé rien de mieux tout d’abord que de proposer de voter maintenant la partie de la loi relative à l’électorat municipal en renvoyant la question des maires à une autre session. L’expédient n’a pas été trop goûté, surtout par le centre droit, il a été accueilli avec une visible froideur. Le centre droit aurait voulu tout au moins faire sanctionner dès aujourd’hui par l’assemblée une disposition provisoire attribuant au gouvernement le droit immédiat de nommer les nouveaux maires partout où les maires actuels s’exposeraient à la révocation. Le ministre de l’intérieur n’a point voulu à son tour d’une mesure partielle qui lui créait une responsabilité prématurée sans lui donner une autorité complète, et dont il trouvait d’ailleurs la réalisation difficile, tant que les conseils municipaux n’ont pas été renouvelés. Bref, c’est un imbroglio sans fin. Où en est-on maintenant ? Peut-être se bornera-t-on à présenter les dispositions de la loi qui ont trait à l’électorat municipal, peut-être aussi finira-t-on par ne rien présenter du tout, ce serait encore un meilleur moyen de rester d’accord en gagnant du temps. La question est de savoir si, en voulant tout ménager faute d’une initiative nette et décidée, le gouvernement ne se prépare pas des difficultés bien autrement sérieuses qui ne feront que s’aggraver. De deux choses l’une, ou les rapports des municipalités avec les préfets sont réellement tels qu’on les a dépeints, tels que M. de Goulard les dépeignait déjà avant sa sortie du ministère de l’intérieur, et alors il n’y avait point à hésiter, — ou bien il n’y a dans toutes ces affaires municipales que la part d’inconvéniens inhérens à un régime libre, et alors pourquoi soulever de tels problèmes, qui vont nécessairement remuer toutes les communes de France ?

Le gouvernement nouveau peut réussir assurément, s’il sait avoir cet esprit de décision qui ne se trouve pas tous les jours, nous en convenons. Il se trompe singulièrement s’il croit fonder son autorité par un