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mination néerlandaise le voisinage d’un état libre et indépendant qui de son côté se croit menacé par les Hollandais. Ajoutons que le royaume d’Atchin possède des sables aurifères et des mines de pierres précieuses, qu’il dispose d’une armée vaillante et d’une assez bonne artillerie, et que les côtes ne sont que difficilement abordables, en raison des bancs de corail qui s’étendent assez loin dans la mer. On a peu de détails sur les mœurs et sur l’histoire des Atchinois. Les Européens ne pénètrent point dans ce pays, où l’élément asiatique domine d’une manière absolue. On sait seulement que les sujets du sultan d’Atchin ne manquent ni d’intelligence ni de courage, et qu’ils attachent le plus grand prix au maintien de leur indépendance. Le sentiment politique s’accorde sur ce point avec le sentiment religieux. Ce petit peuple a des traditions qui lui sont très chères, et dont la prudence doit engager le gouvernement néerlandais à tenir compte. S’il n’est point au courant de tous les progrès de l’art militaire, ses armes sont néanmoins meilleures qu’on n’aurait pu s’y attendre.

La Hollande s’était engagée à respecter l’indépendance du royaume d’Atchin par le traité qu’elle conclut en 1824 avec la Grande-Bretagne. D’autre part le sultan d’Atchin, par un traité signé en 1857, avait pris vis-à-vis de la Hollande l’engagement de réprimer le brigandage et la piraterie ; mais le traité de 1824 expirait en 1870, et le sultan d’Atchin s’est trouvé ainsi privé d’une garantie qui lui était précieuse. Il y a plus, la Hollande, en cédant aux Anglais ses possessions de la côte de la Guinée et en réglant avec eux les questions d’émigration, signa le 2 novembre 1871 une convention ayant pour but de « consolider de plus en plus dans l’esprit du traité du 17 mars 1824 l’amitié entre les deux pays, et d’écarter toute occasion de mésintelligence dans leurs relations sur le territoire de l’île de Sumatra. » L’article 1er  porte que sa majesté britannique se désiste désormais de toute objection contre l’extension de la domination hollandaise dans une partie quelconque de l’île de Sumatra. Bien ; que la Hollande n’ait pas profité de la liberté d’action qui résultait pour elle des arrangemens de 1871, le gouvernement du sultan d’Atchin ne s’en est pas moins inquiété de la clause que nous venons de rappeler.

À la fin du mois de février dernier, des rumeurs assez graves commençaient à courir à La Haye sur la situation de l’île de Sumatra. On disait que le gouvernement se montrait ému, de l’état critique de cette colonie, et l’on ajoutait que 3,000 hommes de renfort allaient être envoyés de Hollande à la demande du gouverneur-général des Indes. Le ministre des colonies était interpellé à la seconde chambre, et on Imposait les deux questions suivantes : 1o le gouvernement persévère-t-il dans la politique qui répudie toute idée d’une extension de domination à Sumatra ? 2o y a-t-il eu des circonstances qui obligent le gouvernement à déployer plus de forces pour faire respecter l’influence légitime de la Hollande ? M. Fran-